<94>se comporter à la longue; et la France se préparait à jouer le rôle d'arbitre, et à dominer sur des despotes qu'elle aurait établis elle-même : c'était renouveler les usages de la politique des Romains dans les temps les plus florissants de cette république.
Ce projet était incompatible avec la liberté germanique, et ne convenait en aucune manière au Roi, qui travaillait pour l'élévation de sa maison, et qui était bien éloigné de sacrifier ses troupes pour se former et se créer des rivaux. Si le Roi s'était rendu l'instrument servile de la politique française, il aurait forgé le joug qu'il se serait lui-même imposé; il aurait tout fait pour la France et rien pour lui-même; et peut-être Louis XV serait-il parvenu à réaliser cette monarchie universelle, dont on veut attribuer le projet chimérique à Charles-Quint. Ajoutons à ceci, puisqu'il faut tout dire, que si le Roi avait secondé avec trop de chaleur les opérations des troupes françaises, leur fortune excessive l'aurait subjugué; d'allié il serait devenu sujet; on l'aurait entraîné au delà de ses vues, et il se serait trouvé dans la nécessité de consentir à toutes les volontés de la France, faute d'y pouvoir résister, ou de trouver des alliés qui pussent l'aider à sortir de cet esclavage.
La prudence semblait donc exiger du Roi une conduite mitigée, par laquelle il établît une sorte d'équilibre entre les maisons d'Autriche et de Bourbon. La reine de Hongrie était au bord du précipice; une trêve lui donnait le moyen de respirer, et le Roi était sûr de la rompre quand il le jugerait à propos, parce que la politique de la cour de Vienne la pressait de divulguer ce mystère. Ajoutons, pour la plus grande justification du Roi, qu'il avait découvert les liaisons secrètes que le cardinal de Fleury entretenait avec M, de Stainville, ministre du grand-duc de Toscane à Vienne; il savait que le Cardinal était tout disposé à sacrifier les alliés de la France, si la cour de Vienne lui offrait le Luxembourg et une partie du Brabant : il s'agissait donc de manœuvrer adroitement, surtout de ne point se laisser prévenir par un vieux politique qui s'était joué, dans la dernière guerre, de plus d'une tête couronnée.
L'événement justifia bientôt ce que le Roi avait prévu de l'indiscrétion de la cour de Vienne : elle divulgua le prétendu traité