<135>devoir; et puis, si vous n'avez rien de mieux à faire, pensez quelquefois à votre ami absent.
Je conçois que la perte que vous venez de faire vous doit être sensible; votre gendre était jeune, il avait échappé à tous les dangers d'une guerre meurtrière, et puis il s'en va mourir dans le moment qu'il devait recueillir les récompenses de ses services. Cela est cruel; mais il faut dire comme cette femme lacédémonienne qui, apprenant que son fils avait été tué à la bataille de Marathon, dit : « Je savais, en le mettant au monde, qu'il n'était pas immortel. » Un peu plus tôt, un peu plus tard, il faut en venir là; tel a été le sort des races précédentes, et tel sera le nôtre. Cependant, tandis qu'on est dans le monde, il est juste d'en profiter quand on le peut, et d'en prendre les douceurs, qui servent d'antidote aux amertumes dont la vie de tous les hommes est empoisonnée.
Je vous remercie de vos truffes de Magdebourg. Noëla en fait un pâté, et, comme vous n'avez pas pu goûter le vôtre, je vous enverrai le mien.
Adieu, mon cher ami; portez-vous bien, bannissez la tristesse de votre esprit, et conservez-moi un ami pour qui mon estime ne cessera qu'avec ma vie.
38. AU MÊME.
Le 19 décembre 1764.
Je vous envoie, mon cher ami, une petite marque de souvenir. Je vous destinais un service de table et des vases; mais nous ne pouvons avoir ces choses qu'au mois de mars, où toute la fabrique sera montée et en état de fournir ce qu'on voudra.
Portez-vous bien, mon cher, et n'oubliez pas vos vieux amis. Adieu.
a Maître d'hôtel du Roi. Voyez t. XIII, p. 98. et t. XIX, p. 69, 93 et 108.