V. CORRESPONDANCE DE FRÉDÉRIC AVEC LE BARON DE PÖLLNITZ. (8 MAI 1742 - 1er AOUT 1773.)[Titelblatt]
<74><75>1. DU BARON DE PÖLLNITZ.
Chrudim, 8 mai 1742.
Sire,
C'est à regret que j'importune Votre Majesté pour la confirmation de deux grâces qu'il lui a plu de m'accorder dès l'année dernière, savoir, que la pension qu'elle a eu la bonté de m'assurer sur l'Académie de Liegnitz me fût payée du 1er janvier que V. M. a fait la conquête de cette ville, et que je fusse exempté de payer la caisse des recrues. Le comte de Münchow, président des deux chambres de la Silésie, n'ayant pas reçu les ordres de V. M. à ce sujet, refuse de me faire payer, de manière que je ne jouis pas de la grâce que V. M. a bien voulu me faire. Je la supplie très-humblement d'ordonner audit comte de me laisser jouir d'un avantage que je dois uniquement à la générosité de V. M. Je suis avec le plus profond respect, etc.
85-aC'est le voyage de Francfort85-b qui a suspendu la pension, mais le repentir du baron la lui fait rendre.
Ordre à Münchow de la lui payer.
<76>2. DU MÊME.
Erlangen, 3 mars 1744.
Sire,
Ne trouvant pas dans les médecins d'ici tous les secours que je souhaiterais, je suis intentionné de me faire transporter dans deux ou trois jours à Bamberg, pour y consulter le médecin de l'évêque, qu'on dit être un très-habile homme. Ce n'est pas que j'aie foi à ma guérison, mais pour n'avoir rien à me reprocher; car pour moi, Sire, je me regarde pour si moribond, que je reconnais ne valoir plus rien pour le service de V. M., et que je n'ai d'autre parti à prendre que celui de me retirer entièrement du monde. C'est de quoi je demande très-humblement la permission à V. M. Une rente viagère assez modique, qui est tout ce qui me reste de mon patrimoine, servira à ma subsistance.
Je supplie très-humblement V. M. d'être bien persuadée que de très-fortes raisons me font prendre le parti de préférer la retraite à l'honneur de la servir. Dévoué entièrement à V. M., où pourrais-je être mieux qu'auprès d'elle? Aussi oserai-je lui protester que, après V. M., je ne servirai plus de prince au monde. Je ne cherche que du repos et de la tranquillité; je conjure très-respectueusement V. M. de consentir que j'en jouisse. Quoique retiré de sa cour, je ne me démentirai jamais de l'attachement et du très-profond respect que je dois à V. M., et je saurai vivre et mourir, Sire, etc.
3. AU BARON DE PÖLLNITZ.
Potsdam, 11 mars 1744.
Je viens de recevoir la lettre que vous m'avez écrite en date du 3 de ce mois, sur laquelle je vous dirai en réponse que vous devez réfléchir en homme sage et raisonnable sur le pas que <77>vous méditez de faire, et qui ne laisserait pas que de vous ruiner d'honneur et de réputation. Il n'y a personne qui dût mieux connaître que vous l'état que vous paraissez vouloir embrasser; c'est pourquoi je vous conseille fort d'y penser plus d'un jour avant que de vous exposer à des regrets qui tôt ou tard seraient immanquables et accablants pour vous. Et sur cela, etc.
87-aJe suis assez raisonnable pour vous plaindre; mais je dois vous dire en même temps que je ne vous conseille pas de vous précipiter dans vos résolutions. Vous êtes d'un caractère trop inquiet pour pouvoir jamais vivre en repos quelque part, et, si vous n'avez pas pu vous tenir chez moi, où vous étiez auprès d'un maître qui vous voulait du bien, et qui même vous en a donné des marques, comment tiendrez-vous dans le couvent où vous allez vous mettre en pension? Je suis sûr que c'est la honte de voir échouer le mariage que mademoiselle de Marwitz avait ourdi en votre faveur qui, jointe avec les dettes que votre voyage vous a fait contracter, vous empêche de revenir ici. Mais, si vous aviez été sensé, vous auriez pris votre parti, et vous n'auriez pas ajouté la seconde sottise à la première. Enfin vous êtes le maître de faire ce que bon vous semble; allez même à Rome, si vous le voulez, faites-vous chanoine de Liége, etc. Je suis sûr que vous payerez tous vos bienfaiteurs de la même ingratitude que vous me payez, et que l'inquiétude de votre esprit vous travaillera également, dans quelque endroit que vous vous trouviez. Je prends congé de vous, puisque vous renoncez au monde, et je vous abandonne à la bizarrerie des aventures que votre étoile errante vous réserve.88-a
<78>4. AU MÊME.
Berlin, 24 juillet 1744.
Pour répondre à votre lettre du 11 de ce mois, remplie des marques de votre repentir, je vous dirai que vous avouerez vous-même que votre conduite envers moi a été ridicule, irrégulière, et même indigne. Après vous avoir fait sentir à diverses reprises mes bontés et ma protection, vous ayant, entre autres bienfaits, donné la valeur de six mille écus pour vous tirer de l'abîme de vos dettes, vous vous êtes avisé légèrement de quitter mon service sans rime et sans raison, et avec une imprudence dont il y a peu d'exemples.
Une ingratitude si marquée me devrait empêcher de faire grâce à un homme qui a assez fait connaître que ses prétendues lumières ne sauraient jamais être accompagnées de droiture, de fidélité et de reconnaissance; ce qui me rappelle le souvenir d'une certaine lettre que j'ai trouvée parmi les papiers de feu mon père de glorieuse mémoire, où l'épiphonème était conçu dans ces termes : « Quand deviendrez-vous sage ... mon Dieu! »
On doit conclure de tout cela que, si je voulais agir selon les règles ordinaires de la justice et de la raison, je serais obligé de vous abandonner entièrement, en vous laissant vous tirer vous-même des tristes suites de votre sottise. Mais, comme je veux prendre en considération que, nonobstant votre esprit, la nature vous a refusé le jugement requis pour mener une vie sans reproche, ce qu'elle ne vous accordera peut-être jamais, j'ai pris la résolution de vous accorder encore une fois votre grâce, le pardon et l'oubli de tout ce que vous avez commis, pourvu que vous vous soumettiez cordialement aux conditions suivantes :
1o Que je prétends faire publier par toute la ville de Berlin que personne ne doit s'émanciper de vous prêter quoi que ce soit, ni en argent, ni en marchandises, sous peine de cent ducats;
2o Que je vous défends absolument de mettre le pied dans la maison d'aucun ministre étranger, ou d'avoir un commerce avec eux dans les autres maisons, ou de leur faire des rapports de ce qui pourra être dit à la table ou dans la conversation;
<79>3o Que, toutes les fois que vous serez admis à ma table, trouvant les autres convives en belle humeur, vous éviterez avec soin de prendre mal à propos le visage d'un cocu, et que vous chercherez plutôt de contribuer à soutenir et à augmenter leur joie.
Voilà les points essentiels que j'ai à vous prescrire. Si vous êtes assez sage que de vouloir et pouvoir remplir ces conditions, je suis prêt de vouloir vous accorder une amnistie entière et un oubli de vos fautes. Sur ce, etc.
89-aSi vous aimez mieux servir les cochons que les grands princes, comme vous l'avez dit, vous ne pouvez manquer de condition, et vous trouverez en Westphalie de l'emploi, sans que vous ayez besoin de moi.
Allez, vous êtes un indigne, et, si je vous tire de la misère où vos folies et vos impertinences vous ont réduit, ce n'est que par pitié, car votre conduite mériterait que l'on vous enfermât entre quatre murailles à jamais.
5. AU MÊME.
Hermsdorf, 26 août 1744.90-a
Les occasions de vous faire plaisir, mon cher Pöllnitz, m'en ont toujours beaucoup fait à moi-même, et je les embrasserai volontiers toutes les fois qu'elles se présenteront, non pas pour m'attirer vos remercîments, mais par la satisfaction que je trouve à vous obliger. J'en aurai une singulière d'apprendre votre retour à Berlin, et qu'une situation tranquille succède, monsieur, aux chagrins que vous avez essuyés. Je m'y intéresserai véritablement, étant à jamais, bien sincèrement, mon cher Pöllnitz, votre adonné ami.
<80>6. AU MINISTRE D'ÉTAT COMTE DE PODEWILS.
Berlin, 30 janvier 1745.
J'ai reçu, avec votre billet du 28 de ce mois, la lettre apologétique par laquelle le baron de Pöllnitz tâche à donner quelque tour à la vilaine pièce qu'il a jouée au marchand Martini, à Paris. Je sais ce que j'en dois croire. Mais, ayant pardonné audit Pöllnitz les sottises passées qu'il a faites, je lui passerai encore celle-là, à condition qu'il tâche de satisfaire ce marchand, et qu'il se garde bien de commettre plus de pareils forfaits et avanies, que je ne lui pardonnerai plus, si jamais il y revient, et dont il sentira alors tout le poids de mon indignation. Et sur cela, etc.
7. AU BARON DE PÖLLNITZ.
(1745.)
J'ai lu votre ouvrage, cher baron, avec beaucoup d'attention, et, comme je sais que vous ne voulez point être flatté, je vous dirai mon sentiment avec beaucoup de franchise. Il me semble que vous n'avez pas été d'accord avec vous-même lorsque vous avez commencé à écrire; car vous devez observer que ce que vous m'envoyez est l'histoire de la vie de mon grand-père, où il n'y a jamais eu d'histoire écrite en style épistolaire, et même vous ne le suivez pas tout à fait. Les lettres doivent avoir des libertés et des réflexions plus familières que le style de l'histoire, qui demande de la gravité. Si donc vous voulez écrire l'histoire des deux derniers règnes, réduisez tout en chapitres; tirez plus de lumières des archives pour ce qui regarde les négociations; abrégez les descriptions, les cérémonies qui sentent la gazette; ne parlez tout au plus qu'une fois de vingt-quatre trompettes et de deux timbaliers; étendez-vous plus sur les grandes affaires, <81>et rejetez toutes les puérilités; ne mettez d'anecdotes que l'espèce qui caractérise la façon de penser de la cour et du souverain, et ajoutez-y de temps en temps des réflexions courtes et en style d'épigramme. Si vous voulez écrire des lettres, prenez un style moins grave, parlez-y davantage vous-même, et suivez le style de vos anciens Mémoires,91-a qui me paraît plus aisé et plus divertissant que ceux-ci. Il me semble, quant au gros de l'ouvrage, que vous ne devriez pas toujours comparer les ministres de mon grand-père avec ceux de Louis XIV, et principalement Danckelman à Colbert; il y a une espèce d'affectation à ces comparaisons toutes prises de la cour de France, qui ne feraient pas un bon effet. Ensuite vous dites de Meinders qu'il avait de la finesse, ce qui serait extraordinaire chez un Allemand; et par-ci par-là vous donnez dans le diffus sur les matières de cérémonies et sur des détails de petits particuliers qui n'intéressent personne, comme j'ai aussi pris la liberté de le marquer en marginale avec du crayon, pour que vous puissiez l'effacer. En un mot, ou écrivez gravement, et mettez plus d'étoffe dans votre ouvrage, ou tenez-vous-en aux anecdotes, que vous ornerez par votre style, qui est badin et enjoué. Toutefois ne vous en tenez point à mon jugement, et consultez vos amis, qui pourront vous dire leurs sentiments.92-a
Adieu, baron; je vous souhaite santé et vie, et tout le reste sera facile à redresser et à faire.
<82>8. AU MÊME.
Potsdam, 2 septembre 1746.
J'ai vu par votre lettre la vive représentation que vous me faites de votre situation, dont vous me paraissez peu content. Je suis persuadé que vous ne pouvez pas passer pour riche; mais je crois qu'il y a beaucoup de personnes, et même de qualité, dont la fortune est plus mince que la vôtre, et qui sont pourtant satisfaites de leur sort. Il est vrai que j'ai jugé à propos de vous faire payer vos appointements par manière de prêt; mais ç'a été par de très-bons motifs, afin de vous mettre en état d'avoir toujours en main quelque argent, qui, s'il était payé par mois, ne manquerait pas d'être dissipé tout d'un coup, ce qui vous jetterait immanquablement dans les inconvénients passés de faire des dettes. Ainsi j'espère que vous rendrez justice aux vues et à l'intention qui me font agir pour votre véritable bien. Sur ce, etc.
93-aQuand serons-nous sage? Trois jours après jamais.
9. AU MÊME.
Potsdam, 2 juin 1747.
Voyant par votre lettre que le mauvais état de votre santé vous empêche de me suivre, je veux bien vous laisser à Berlin pour vous remettre. Cependant il me paraît que votre indisposition vous prend ordinairement quand je suis sur mon départ de Berlin. Je prie Dieu, etc.
93-aNe pouvez-vous pas dire à votre maladie d'avoir patience jusqu'à ce que je vais à Magdebourg?
<83>10. AU MÊME.
Potsdam, 28 février 1748.
Vous m'avez écrit avec tant de sincérité et de franchise, que vous méritez que je ne mette pas moins de vérité dans ma réponse. Convenez donc que, sans vous offenser, on peut vous accuser de n'être pas trop sage. Avez-vous dû penser que j'aie jamais parlé sérieusement sur votre changement de religion, et convient-il, à soixante ans, de s'occuper de projets aussi chimériques et sujets à tant de travaux et d'inconvénients? Car enfin, quand bien même, vous étant de nouveau soumis au joug de Rome,94-a je serais dans la disposition de vous donner quelques commanderies, le pourrais-je avant qu'il y en eût de vacantes? Tous les commandeurs en Silésie sont plus jeunes que vous, et d'ailleurs pourriez-vous les posséder sans une dispense du grand maître, ou, en suivant les statuts de l'ordre, sans aller courir les caravanes et faire le chevalier novice? Quelle carrière pour un barbon! L'agrément de réussir est-il comparable à la peine de tenter, et pouvez-vous encore oser vous flatter de triompher des obstacles? Détrompez-vous; le ridicule serait peut-être le moindre des chagrins que vous auriez à essuyer. Je n'ai jamais parlé à Rottembourg de vous donner une pension de quatre cents écus, et vous l'aurez sans doute mal entendu. Il n'y en a point de vacante pour les catholiques en Silésie, et, si vous avez eu quelques vues sur la commanderie de Reichenbach, vous pouvez n'y plus songer; j'en ai disposé en faveur du comte de Falkenhayn. Revenez donc à vous-même. Je vous livre à vos réflexions, et vous laisse, sur l'article de la religion, entièrement le maître de votre conduite. Mais je veux que vous soyez persuadé que je n'en ai jamais parlé qu'en badinant; je n'aurais jamais pensé que vous eussiez pris la chose au sérieux, et que vous voulussiez ajouter à votre roman une époque aussi singulière. Sur ce, etc.
<84>11. DU BARON DE PÖLLNITZ.
Berlin, 13 décembre 1749.
Sire,
Si je n'avais pas plus de confiance dans les bontés de Votre Majesté que j'en ai dans mon propre mérite, je n'entreprendrais pas à lui demander une grâce; mais, étant convaincu, Sire, que je m'adresse au meilleur des maîtres, c'est sans craindre de vous déplaire que j'ose représenter très-humblement à V. M. qu'il y a cinq ans que, ayant eu le malheur de lui déplaire, il lui a plu de me retrancher deux cents écus de mes appointements.95-a J'ai subi ce châtiment, Sire, avec toute la résignation que je dois aux volontés de V. M., fortement persuadé que, si j'étais obligé de reconnaître sa justice lorsqu'elle me punissait, je reconnaîtrais aussi un jour qu'elle sait parfaitement pardonner. Cette idée, Sire, m'est tellement imprimée, que je ne doute pas que, après que V. M. a bien voulu oublier ma conduite passée, elle voudra bien aussi que je participe à ses bienfaits lorsque l'occasion s'en présentera. J'ose, Sire, représenter très-humblement à V. M. que la mort du chambellan Riedel pourrait faire naître cette occasion. Il avait mille écus de pension, destinés de tout temps à l'entretien des inutiles de sa cour. V. M. sans doute n'en changera pas l'usage, et, si tel était son bon plaisir, je la supplie très-humblement, en qualité de premier et de plus ancien inutile de sa cour, de vouloir bien que je rentre dans la jouissance des deux cents écus dont j'ai été privé. Si je suis assez heureux, Sire, d'obtenir cette grâce, ma vieillesse pourra en être soulagée par l'entretien d'un équipage dont la commodité prolongera peut-être des jours que j'ai consacrés à admirer, aimer et respecter V. M., de qui je serai toute ma vie, avec beaucoup de zèle et de soumission, etc.
<85>12. DU MÊME.
Potsdam, 31 juillet 1751.
Sire,
Depuis sept ans que Votre Majesté a jugé devoir me priver de deux cents écus de mes appointements annuels, j'ai pris plusieurs fois la liberté de la supplier très-humblement de vouloir bien mettre fin à ma punition. V. M. m'a fait espérer qu'elle ferait attention à ma prière; mais sans doute que ses grandes occupations et la malheureuse inutilité dont je lui suis m'ont effacé de sa mémoire, puisque mon sort n'a point été amélioré. Qu'il me soit permis, Sire, de vous réitérer ma très-respectueuse supplication. V. M., en m'accordant la grâce que je lui demande, mettra des bornes à mes importunités, et elle me mettra dans l'heureuse situation de pouvoir arranger mes affaires conformément à sa volonté. Je suis persuadé, Sire, que, si V. M. connaissait mon extrême embarras lorsque je suis réduit à lui exposer mes besoins, elle en serait touchée, car, quoique j'aie une entière confiance en ses bontés, je reconnais vivement que, ne lui rendant aucun service, je n'ai d'autres droits sur ses bienfaits que ceux que tous les malheureux ont sur les cœurs magnanimes.
Je suis avec un très-profond respect, etc.
13. AU BARON DE PÖLLNITZ.
Potsdam, 2 août 1751.
J'ai bien reçu votre lettre du 31 du mois dernier. J'entre véritablement dans votre situation, mais je suis persuadé que, à votre tour, vous entrerez dans les miennes. La mortalité des bestiaux, le débordement des rivières, le dégât des ouragans dans les forêts, tous ces accidents réunis ne me permettent pas de faire pour MM. mes chambellans ce que je voudrais. Prêtez-vous <86>donc aux circonstances, et comptez au reste sur toute la bonne volonté que vous me connaissez pour vous. Sur ce, etc.
14. AU MÊME.
Potsdam, 5 août 1751.
J'ai bien reçu votre lettre du 3 de ce mois. Vous voulez que je me mêle de vos affaires domestiques, moi, dont vous connaissez l'éloignement pour tout ce qui s'appelle détail d'économie, et combien j'évite d'entrer dans tout ce qui regarde les affaires des autres. N'exigez donc point que je prenne connaissance de vos dettes, ni que je nomme une commission pour les examiner; l'intérêt que je prends à ce qui vous touche m'engage à vous refuser. Songez qu'un pareil éclat pourrait vous être préjudiciable, finissez vos affaires à l'amiable, tâchez que le public n'en soit informé que le moins qu'il sera possible, et servez-vous dans cette occasion de votre raison. Vous vous méfiez trop de vos forces, et vous prenez les choses trop au tragique. J'augure mieux de votre génie, et je suis persuadé que vous sortirez victorieux de toutes vos difficultés. Je veux que vous soyez persuadé que j'en serai véritablement charmé. Sur ce, etc.
15. AU MÊME.
Berlin, 26 avril 1753.
J'ai reçu votre lettre du 25 de ce mois, et j'y ai vu le dessein que vous avez formé de prendre les bains et les eaux chaudes pour tâcher de vous rétablir entièrement. Mais, comme je veux vous parler encore là-dessus, vous devez venir à Potsdam; alors je vous communiquerai ma résolution de bouche. Sur ce, etc.
<87>16. AU MÊME.
Potsdam, 20 mai 1754.
Comme, par votre lettre du 16 de ce mois, vous paraissez plus porté pour les bains d'Ems que pour ceux de Carlsbad, je ne veux point vous gêner là-dessus, et vous pourrez partir pour Ems, vous accordant la permission d'y aller. Sur ce, etc.
17. AU MÊME.
Berlin, 27 mai 1754.
Il ne m'est pas possible de vous accorder la demande que vous faites par votre lettre du 25 de ce mois, la caisse d'où vous tirez votre pension n'étant pas en fonds pour fournir des avances. Sur ce, etc.
18. AU MÉME.
Potsdam, 21 mai 1755.
Si, selon votre lettre du 19 de ce mois, le sieur Trechapel veut venir auprès de moi, il doit se rendre en droiture ici, à Potsdam. Je suis aussi content que, pendant mon absence, vous preniez pour le soulagement de votre santé les eaux de Selters; mais je n'aimerais pas que vous vous éloigniez si fort et jusqu'à Gusow, auprès du comte de Podewils. Je verrais plus volontiers que ce soit chez le comte de Kameke, à Prötzel, ou tel autre endroit que ce puisse être, chez quelque autre de vos connaissances à la campagne. Vous devez vous arranger en conséquence. Sur ce, etc.
<88>19. AU MÊME.
Potsdam, 19 août 1755.
Sur votre lettre du 17 de ce mois, je veux bien vous accorder la permission de pouvoir aller, pendant le temps de mon prochain voyage de Silésie, sur les terres du sieur de Schulenbourg pour y prendre les eaux. Sur ce, etc.
20. AU MÊME.
Schönfeld, 21 septembre 1758.
J'ai bien reçu les deux lettres que vous m'avez faites, du 29 août et du 17 de ce mois, dont j'ai été content par les sentiments que vous m'y avez déclarés. Je vous accorde d'ailleurs la permission que vous me demandez pour aller séjourner quelques mois auprès de votre frère, à Celle. Et sur ce, etc.
21. AU MÊME.
Breslau, 19 mars 1759.
Sur la très-humble représentation que vous avez voulu me faire le 14 de ce mois, j'ai ordonné à mon trésorier privé Leining de vous envoyer quelque argent pour vous aider à subsister. Sur ce, etc.
<89>22. AU MÊME.
Leipzig, 18 décembre 1760.
Pour vous répondre à la lettre que vous m'avez faite du 16, je veux bien vous dire que ni la saison ni les chemins ne sauraient permettre que vous vinssiez ici sans trop préjudicier à votre santé. L'agrément que vous trouveriez d'ailleurs ici ne serait que fort médiocre. Pour vous en procurer avec plus d'aisance à Magdebourg, je me propose de vous secourir de quelque somme, qui vous sera payée là par mon ordre. Sur ce, etc.
23. AU MÊME.
Bettlern, 3 juin 1762.
Votre lettre flatteuse et louangère, monsieur le baron, me tire le dernier écu de la poche. C'est le denier de la veuve; ce n'est pas grand' chose, mais cela fera aller votre marmite tant bien que mal. Le temps est mauvais pour tous ceux auxquels je dois, mais je vous promets les dépouilles de la première église de jésuites que nous pillerons, et, si jamais je vous vois la bourse remplie, je vous croirai rajeuni de vingt ans. Voici deux paix que nous venons de faire tout de suite. Si je compte bien sur mes doigts le nombre de mes ennemis, je crois qu'il nous en faut encore quatre pour terminer nos affaires. Le ciel, dont la prudence s'étend plus loin que celle des hommes, mènera cette affaire-ci comme il lui plaira; pour moi, instrument aveugle et indigne de la Providence, j'y coopérerai selon le degré de grâce et d'illumination que je recevrai du Saint-Esprit. Vous savez que c'est de là que nous vient tout notre bonheur. Je vous recommande aux intercessions de sainte Hedwige, en priant Dieu, monsieur le baron, qu'il vous ait, etc.
<90>24. AU MÊME.
Bettlern, 20 juin 1762.
Je me suis cru grand et puissant seigneur, monsieur le baron, depuis que vous m'avez honoré de votre lettre. Je m'y vois traité de monarque d'importance, et vous me demandez des grâces comme si je pouvais en dispenser. Vous avez oublié apparemment que nous allons entrer dans la septième année que les puissances de l'Europe se plaisent à jouer avec moi au roi dépouillé; je vous jure que je ne sais plus si j'ai un pays ou si je n'en ai point, ni ce que la voracité de mes ennemis se plaira de me laisser. Ce que je puis vous assurer, c'est que dans peu nous nous battrons comme de beaux diables pour savoir qui gardera ce pauvre et misérable bout de terre, que la guerre a presque entièrement ruiné. Quand j'aurai un pays, monsieur le baron, et que vous le saurez, vous pourrez vous adresser en toute liberté à moi pour le soulagement de votre vieillesse; mais à présent, vous et, s'il y en a de plus adroits dans le métier d'escroquer, je vous défie tous ensemble de vous refaire sur moi et sur tout ce qui dépend actuellement de moi. Une église de jésuites ne serait pas si mauvaise; vous n'en sentez pas toutes les conséquences. Il y a à Prague certain tombeau de saint Népomucène très-capable de tenter votre piété, je ne dis pas pour l'argent dont il est fait, mais pour les reliques qu'il contient; il y a de plus un joli petit enfant d'or tout massif, voué et donné par l'Impératrice-Reine à la sainte et immaculée Vierge, et, comme vous savez que les enfants ne sont pas des meubles d'une pucelle, la divine mère de Notre-Seigneur pourrait peut-être facilement se laisser persuader à en favoriser votre humilité. Pensez-y bien, baron, ceci mérite de profondes réflexions : un enfant tout d'or! que d'habits, que de meubles, que de repas il pourrait vous donner! que de dettes il pourrait acquitter! que de créanciers il apaiserait! Ce bel enfant d'or, baron, vous rajeunirait, et il me semblerait vous voir, le possédant, le visage sans rides, la démarche gaillarde, le dos droit comme une asperge, et l'imagination petillante comme du vin de Champagne. <91>C'est ce que je vous souhaite, ne pouvant que souhaiter. Au reste, je prie le Seigneur Dieu, monsieur le baron, qu'il vous ait, etc.
103-aVous trouverez ma lettre bien folle, et moi aussi.
25. AU MÉME.
Potsdam, 17 octobre 1763.
J'ai reçu, à la suite de votre lettre du 16, la note de ce qui serait nécessaire d'être fait et ajusté pour l'entrée et l'audience de l'internonce ottoman. Sur quoi je vous dirai que, quant aux deux trompettes dûment habillés, je donnerai mes ordres au commandeur de mes gardes du corps, le major de Schätzel, afin qu'il donne ces deux trompettes de ce corps, et qu'il fasse ajuster ce qu'il leur faut à cet usage.
Pour ce qui regarde l'estrade pour l'audience publique, placée sous un dais, de même que le fauteuil et la table garnie, etc., vous saurez conserver le dais que vous avez proposé, auquel il n'y aura rien à changer, et moins encore à faire couvrir cela de drap d'or. Il suffira, à ce qu'il me paraît, que tout ceci soit couvert de quelque couverture de soie, qu'on trouvera déjà à la main; ce que vous arrangerez de la manière qu'il le faut avec le tapissier, qui doit se conformer à ce que vous lui direz à ce sujet.
Quant au cheval de bride que le comte de Finckenstein doit fournir à l'interprète de la cour, je donne mes ordres à mon écuyer de Schwerin, afin que, outre les six chevaux de selle harnachés à la turque, au sujet desquels et de leurs harnais il a déjà ordre de tout arranger et de tenir prêt, il ait soin du septième cheval et de son harnais, que le comte de Finckenstein enverra, à l'usage susdit, pour l'entrée de l'internonce. Pour ce qu'il faut aux autres meubles nécessaires dans les maisons que l'internonce occupera, tant à Weissensee qu'à Berlin, je viens d'écrire là-<92>dessus au ministre comte de Finckenstein, pour qu'il ait soin d'ajuster tout ceci conformément au détail que vous en avez donné, et qu'il s'y serve du sieur Boumann, à Berlin, pour tout bien exécuter. Sur ce, etc.
26. AU MÊME.
Potsdam, 21 octobre 1763.
Monsieur le baron de Pöllnitz, en conséquence de ce que vous m'avez représenté par votre lettre du 20 de ce mois, au sujet de quelques dépenses extraordinaires auxquelles votre commission relativement au ministre turc vous doit engager, je vous dirai que je vous ferai payer pour la livrée de chacun de vos trois laquais soixante écus; et quant à un habit pour vous-même, je l'ordonnerai de droguet doublé de velours et chamarré d'or, duquel vous n'avez qu'à choisir la couleur. Et sur ce, etc.
27. AU MÊME.
Potsdam, 29 octobre 1763.
Je suis bien aise de vous dire, sur la lettre que vous m'avez écrite le 26 de ce mois, que les habits en question sont ordonnés pour vous, et que c'est à présent l'ouvrage du tailleur pour les fournir. Sur ce, etc.
<93>28. AU MÊME.
Potsdam, 2 juin 1764.
Je vous remercie, monsieur le baron de Pöllnitz, du melon que vous m'avez envoyé et de l'intérêt que vous prenez à ma santé. Nous autres vieilles gens ne valons pas le diable; si vous avez la fièvre, j'ai la goutte, qui ne vaut pas mieux. J'espère qu'elle passera bientôt, et que vous serez bien vite quitte de votre mal; je le souhaite de tout mon cœur. Sur ce, etc.
29. AU MÊME.
Potsdam, 14 juin 1764.
Ayant vu, par la lettre que vous venez de m'écrire, que vous vous trouvez rétabli de la maladie qui vous avait saisi, je suis bien aise de vous dire qu'il vous est permis de venir vous présenter ici à moi. Sur ce, etc.
30. AU MÊME.
Potsdam, 28 octobre 1764.
Comme il y a une somme destinée pour les danseurs et danseuses, il faut s'y tenir. Denis peut faire venir les figurantes, qui auront chacune trois cents écus par an, et un figurant, qui aura trois à quatre cents écus. Dervieux et Du Bois doivent rester; je ne veux point de second danseur et de seconde danseuse. Il faut que Denis dise le sujet des trois corps de ballet dans Sacchico; j'en ferai un tout nouveau. Si vous devez continuer de di<94>riger la comédie et la danse? Eh! qui pourrait mieux s'en acquitter que vous, monsieur le baron? Sur ce, etc.
31. AU MÊME.
Potsdam, 13 novembre 1764.
Je suis bien aise, monsieur le baron, que vous ayez accommodé tous les différends. J'espère que l'on me laissera tranquille dans la suite au sujet de ces affaires théâtrales, et que, en vous ménageant bien, vous vous remettrez entièrement. Je le souhaite, et je prie Dieu, etc.
32. AU MÊME.
Potsdam, 22 novembre 1764.
Sur la lettre que vous venez de me faire, du 21 de ce mois, au sujet d'une écurie pour deux chevaux et des remises que vous souhaitez d'avoir dans la maison des princes, à Berlin, je vous dirai que, pourvu que cette écurie avec les remises soient vides et ne soient pas employées à autre usage déjà, je veux bien vous les accorder votre vie durant; en conséquence, j'ai fait expédier mes ordres au gouvernement de Berlin. Sur ce, etc.
<95>33. AU MÊME.
Potsdam, 6 février 1765.
Monsieur le baron, le dindon107-a que Votre Sérénité a eu la bonté de m'envoyer a été servi ce midi sur ma table. On l'a pris pour une autruche, tant il était grand et pompeux; le goût s'en est trouvé admirable, et tous les convives sont convenus avec moi que vous étiez fait pour vous acquitter bien de tout ce que vous entrepreniez. Il me serait douloureux, monsieur le baron, de rester en arrière vis-à-vis de vous, et de ne pas songer à votre cuisine comme vous avez eu la bonté de penser à la mienne. Mais, comme je n'ai pas trouvé parmi les volatiles d'animal assez grand et digne de vous être offert, je me suis rejeté sur les quadrupèdes. Je vous avoue que, si j'avais pu trouver un éléphant blanc du schah de Perse, je me serais fait un plaisir de vous l'envoyer. Faute de cela, j'ai eu recours à un bœuf bien engraissé. Je me suis dit à moi-même : Un bœuf est un animal utile, laborieux et pesant; c'est mon emblème. L'âge qui me mine m'appesantit tous les jours. Je voudrais être laborieux et utile, et, pour vous l'être en quelque façon, vous voudrez bien accepter, monsieur le baron, le petit meuble de basse-cour que je prends la liberté de vous offrir; et, comme je ne me suis pas fié sur ma propre habileté, je l'ai fait choisir chez le plus expert de tous les engraisseurs. Sur ce, etc.
34. DU BARON DE PÖLLNITZ.
Berlin, 7 février 1765.
Sire,
Je supplie très-humblement Votre Majesté d'agréer mes très-humbles remercîments pour le bœuf qu'elle a bien voulu m'en<96>voyer. Si je ne l'ai pas adoré comme le dieu Apis, je l'ai du moins reçu avec toute la vénération que mérite son air respectable. Une foule de peuple l'a admiré à ma porte, et a cru que je l'en régalerais, et l'a vu conduire avec envie dans mon écurie, dont il ne sortira que pour être sacrifié au plus grand des monarques, cérémonie qui sera accompagnée de cris sincères de Vive le Roi! V. M. permettra de finir ma lettre par ce cri, que je réunirai toute ma vie au profond respect avec lequel je suis, etc.
35. AU BARON DE PÖLLNITZ.
Potsdam, 9 avril 1765.
Je reconnais comme je dois les vœux que vous formez pour mon rétablissement par votre lettre que je viens de recevoir, et vous permets d'ailleurs que vous laissiez partir pour Pétersbourg cette lettre que, selon la copie que vous m'en avez jointe, vous avez envie d'écrire à l'impératrice de Russie pour accompagner la relation du carrousel109-a qu'on vous a demandée; ce qui vous vaudra, comme je n'en doute pas, un bon présent. Sur ce, etc.
36. AU MÊME.
Potsdam, 10 octobre 1766.
Je prends une part sensible à l'accident dangereux que vous me marquez vous être survenu avant-hier en descendant l'escalier <97>de votre maison, et je suis en peine des suites de la chute qu'il vous a occasionnée. Je me flatte toutefois que la chose en restera à l'appréhension, et que vous serez dans le cas de prendre encore nombre de fois congé de moi. Sur ce, etc.
37. AU MÊME.
Berlin, 5 janvier 1767.
J'ai vu, par votre lettre du 4 de ce mois, les plaintes qu'elle renferme d'un libelle au bas duquel on a mis votre nom, et je vous félicite que vous ayez là-dessus le sort de plusieurs rois et des plus grands seigneurs de cette terre, qui ne sont pas à l'abri de la satire. Je vous recommande d'imiter la grandeur d'âme avec laquelle lesdits princes y obvient, qui, bien loin d'en faire un crime de lèse-majesté, y répondent par un parfait mépris. Quant au reste, la police ne manquera pas de faire là-dessus les perquisitions usitées en pareil cas. Sur ce, etc.
38. AU MÊME.
Potsdam, 1er juillet 1768.
Comme je serais bien aise de vous voir ici, chez moi, vous me ferez plaisir d'y venir demain. Et sur ce, etc.
110-aVoulez-vous me faire l'honneur de, etc., etc., etc.?
<98>39. AU MÊME.
Potsdam, 17 août 1768.
Comme je vois, par votre lettre du 16 de ce mois, qu'il manque encore des figurants pour l'Opéra, j'approuve que vous engagiez à cet effet les deux sujets que vous me proposez dans votre dite lettre. Et sur ce, etc.
111-aIl faut commander pour l'hiver l'opéra de Caton et d'Orphée.111-b
40. AU MÊME.
Potsdam, 31 octobre 1769.
Comme je vois, par votre lettre du 29 de ce mois, que l'électrice douairière de Saxe désire que vous vous trouviez à Dresde le 12 du mois prochain, je veux bien permettre que vous vous y rendiez, et même vous charger d'une lettre à cette occasion. Sur ce, etc.
41. AU MÊME.
Potsdam, 28 novembre 1769.
J'ai reçu votre lettre du 25 de ce mois, et, comme pour les opéras du carnaval prochain tout est déjà réglé à Berlin, et que je ne saurais par conséquent profiter que l'année prochaine des offres du ténor italien, que madame l'électrice a la bonté de me faire, vous ne manquerez cependant pas de lui témoigner combien je suis sensible à cette nouvelle marque de son amitié pour moi.
<99>42. L'ÉLECTRICE DOUAIRIÈRE ANTONIE DE SAXE AU BARON DE PÖLLNITZ.
Dresde, 21 avril 1770.
Je suis sensible, mon cher baron, à l'attention que vous avez de me faire compliment sur les fêtes de Pâques. Cette époque ne m'est point indifférente; elle remettra ma santé, qui se ressent du carême. Je commence à faire usage de mes mains, qu'un accès de goutte avait mises en interdit. Mais je ne m'en plains point, puisqu'elle n'a pas même épargné un monarque qui consacre tous ses moments au bonheur du genre humain. J'espère que l'approche de la belle saison et le délicieux séjour de Sans-Souci achèveront de fortifier une si précieuse santé. Je pense de remettre la mienne à Pillnitz, où nous allons nous établir. Mon voyage de Bavière est renvoyé jusqu'à l'année prochaine; je vous en avertis, mon cher baron, vous l'ayant promis. De toutes les nouvelles que vous me donnez, celle que mesdames les princesses de Prusse et Ferdinand avancent heureusement dans leurs grossesses me fait le plus de plaisir. J'en partage bien sincèrement la joie avec votre auguste maître. S'il ne vous faut plus que des marraines, vous sentez bien qu'il n'y a personne au monde qui ne se tiendrait honoré d'une fonction si agréable, et, au cas que le choix en tombât sur moi, j'en accepterais assurément la proposition avec bien de la reconnaissance. Cela me rapprocherait de la plus chère espérance de revoir ce héros philosophe qui fait constamment l'objet de ma plus haute admiration. Vous n'y perdriez rien, mon cher baron; je serais plus à même de vous convaincre de l'estime avec laquelle je suis invariablement
Votre bien affectionnée
Marie-Antonie.
43. FRÉDÉRIC AU BARON DE PÖLLNITZ.
Potsdam, 15 juin 1770.
Comme je vois par votre lettre du 14 de ce mois que, par un effet du comportement capricieux du sieur Fierville, je serai trop importuné par les plaintes de son monde, je viens de lui déclarer que, s'il ne change pas de conduite envers ces gens-là et les paye exactement, je pourrais bien commencer à lui retrancher également ses appointements, et le renverrais à la fin tout à fait, en remettant le théâtre sur l'ancien pied.
Au reste, je suis bien aise de vous dire que, si votre santé vous le permet, vous me ferez plaisir de vous rendre ici et de passer quelque temps avec moi. Sur ce, etc.
44. L'ÉLECTRICE DOUAIRIÈRE ANTONIE DE SAXE AU BARON DE PÖLLNITZ.
Pillnitz, 27 août 1770.
Vous avez accusé très-juste, mon cher baron, en accusant le Roi que c'est le plaisir seul de revoir S. M. qui me ramènera dans le Brandebourg, et que, pour être d'autant moins distraite dans les conversations lumineuses de ce monarque, je préférerais sans doute le séjour de Potsdam ou de Sans-Souci à celui de Berlin. Cette réponse est d'un vieux routier qui sait lire dans les cœurs. Oui, mon cher baron, je serai charmée de faire ma cour au Roi à Potsdam, tant que le loisir qu'il voudra me sacrifier aux dépens de ses peuples le lui permettra. Mais être si près de Berlin sans m'acquitter du devoir de la reconnaissance envers la Reine et la famille royale, et surtout de ceux de l'amitié la mieux cimentée pour madame la princesse Amélie, qui, après le Roi, est la personne du monde à qui je suis le plus attachée, aucun prétexte ne <101>me paraît assez fort pour m'en dispenser. Je sens bien que le temps est précieux au Roi; aussi serais-je fâchée qu'il se gênât le moins du monde. Mais je crois que, en repassant par Berlin lorsque j'aurai quitté S. M. pour retourner tristement chez moi, après avoir joui des plus beaux jours de ma vie, le tout s'arrangerait de façon que chacun y trouvera son compte. Je vous prie, mon cher baron, de m'en dire votre sentiment avant le retour de S. M., qui probablement ne sera pas de sitôt. Je compte de me jeter à ses pieds le 26 du mois prochain, en conséquence de la permission qu'il m'en a accordée. Comptez toujours sur ma sincère estime, étant invariablement, etc.
45. DE LA MÊME AU BARON DE PÖLLNITZ.
Dresde, 13 septembre 1770.
Je vous sais beaucoup de gré, mon cher baron, de l'avis confident que vous venez de me donner. Je me le tiendrai pour dit, et il ne sera plus question de mon voyage de Berlin. Il me suffit de savoir qu'il gênerait le Roi pour y renoncer. Ce qui m'en console entièrement, c'est que vous me faites espérer que j'aurai la satisfaction de voir à Sans-Souci et d'entretenir à mon aise ma chère princesse Amélie; me voilà contente. Comme la volonté du Roi sera toujours ma boussole, je serais bien aise de savoir combien de temps je pourrai m'arrêter à Potsdam ou Sans-Souci sans incommoder S. M. Ne sauriez-vous m'orienter là-dessus, pour m'arranger en conséquence? Je vous en ferai bientôt, mon cher baron, mes remercîments de bouche. En attendant votre réponse, je suis avec une sincère estime, etc.
<102>46. FRÉDÉRIC AU BARON DE PÖLLNITZ.
Potsdam, 14 septembre 1770.
Je vois, par la réponse que vous m'avez communiquée de madame l'électrice, les scrupules qu'elle veut bien se faire pour s'en retourner de chez moi sans avoir préalablement fait les visites convenables à Berlin. Toujours dans l'intention d'observer ces cérémonies, une maladie qui surviendrait vers son départ dans sa famille, ou quelque autre prétexte de commande, dont, si je la connais bien, elle ne manque pas, la pourrait bien obliger de s'en retourner en droiture. Si cependant elle avait envie d'aller à Berlin, vous jugez bien que je n'y mettrai point d'obstacle, quoique, pour dire le vrai, je serais bien aise que vous pussiez l'en détourner et m'éviter un voyage qui ne laisserait pas de me causer bien de l'embarras et du dérangement dans mes occupations.
Au reste, vous verrez par la requête ci-jointe l'idée singulière qui est venue à Tosoni de s'en retourner en Italie, et à laquelle vous lui répondrez de ma part que je trouve qu'il n'est pas sage de quitter le certain pour l'incertain, ne pouvant m'imaginer qu'il sera mieux dans sa patrie qu'il ne l'est ici. Sur ce, etc.
47. AU MÊME.
Potsdam, 17 septembre 1770.
Je suis bien aise de voir, par votre lettre du 16 de ce mois, que vous pensez disposer madame l'électrice de renoncer au voyage de Berlin. Ce sera donc un embarras de moins pour moi, car je n'aurais pu me dispenser d'y aller en même temps. Je ne sais si la feld-maréchale de Schmettau et la comtesse de Kameke sont assez en santé de venir ici. Je vous prie de vous en informer, et, si elles sont en état de faire ce voyage, de leur dire de ma part qu'elles me feront plaisir de se rendre ici le jour de l'arrivée de <103>madame l'électrice, 26 de ce mois. Comme je n'ai pas encore reçu de liste du nombre de voitures dont la suite de S. A. R. sera composée, et que j'ignore de même la route qu'elle prendra, vous tâcherez de me procurer l'un et l'autre aussi vite qu'il vous sera possible, afin que les relais puissent être réglés en conséquence.
Au reste, vous n'oublierez pas de vous rendre ici le 24 avec le comte de Reuss pour aller à temps à la rencontre de l'Électrice, qui probablement n'arrivera que vers le soir.
Pour ce qui est de Tosoni, il me semble qu'il pourra bien se contenter des appointements que je lui donne. Il n'aura jamais autant en Italie. Vous ferez bien de le lui faire comprendre, et qu'il pourrait bien se tromper quand il pense de trouver mieux. Sur ce, etc.
48. AU MÊME.
Potsdam, 20 septembre 1770.
J'ai reçu vos deux lettres du 19 de ce mois, et suis bien aise de voir par leur contenu que la maréchale de Schmettau et la comtesse de Kameke se rendront ici le 26 au matin. Vous demanderez encore à la comtesse de Bredow de ma part si elle ne voudra pas être de la partie et se rendre pareillement ici le même jour.
Au reste, et comme vous me mandez le nombre des chevaux qu'il faudra pour le voyage de l'Électrice et la route que S. A. R. tiendra, j'ai donné mes ordres que les relais soient prêts le 26, comme vous ne manquerez pas de le dire à l'envoyé de Saxe, le sieur de Stutterheim. Sur ce, etc.
<104>49. AU MÊME.
Potsdam, 31 mai 1773.
Très-sensible aux vœux que vous voulez bien me faire par votre lettre d'aujourd'hui, vous pouvez être persuadé que, ne pouvant point douter de leur sincérité, je ne manquerais pas de vous en témoigner ma juste reconnaissance, si mon départ pour la Prusse ne voulait point que je me borne pour le présent aux assurances de ma bienveillance, de laquelle me réservant cependant de vous confirmer les effets dans les occasions, je prie Dieu, etc.
118-aA mon retour, je pourrai manifester ma reconnaissance au vieux baron.
50. AU MÊME.
Potsdam, 1er juillet 1773.
Vous me surprenez bien agréablement en m'apprenant, par votre lettre du 30 juin dernier, que vous vous trouvez d'une santé assez bonne pour désirer de venir me voir. Faites-le, je vous en prie, et comptez que vous ferez un véritable plaisir à celui qui ne cesse point de prier Dieu, etc.
<105>51. AU MÊME.
Potsdam, 1er août 1773.
Ce n'est qu'avec peine que j'apprends votre indisposition, et à regret que je vous verrai partir d'ici. Cependant je ne m'oppose point à votre retour à Berlin. Vous y serez sans doute mieux soigné, et je vous laisse entièrement le maître de faire à cet égard ce que vous jugerez le plus convenable à votre état. Sur ce, etc.
103-a De la main du Roi.
107-a « Engraissé avec des noix, » comme dit le baron dans sa lettre d'envoi au Roi.
109-a Le baron de Pöllnitz, en félicitant, le 8 avril, le Roi sur le rétablissement de sa santé, lui avait demandé la permission d'envoyer à l'impératrice de Russie sa description du carrousel fait à Berlin le 25 août 1750. Catherine II donna un carrousel à Saint-Pétersbourg en 1766.
110-a De la main du Roi.
111-a De la main du Roi.
111-b Catone in Utica, opéra de Hasse, 1732, et Orfeo, opéra de Graun, 1752.
118-a De la main du Roi.
85-a Cette note a été écrite par le Roi lui-même au dos de la lettre ci-dessus, au quartier général de Chrudim, probablement le 8 mai 1742.
85-b Voyez t. XVII. p. 177.
87-a De la main du Roi.
88-a Voyez t. XV, p. XX. no XXVIII, p. XXI, no XXIX, p. 208-210, et 211-213.
89-a De la main du Roi.
90-a Cette date est inexacte ou quant au lieu, ou quant au jour et à l'année. Frédéric n'était pas à Hermsdorf le 26 août 1744.
91-a La première édition de ces Mémoires parut à Amsterdam en 1734, en quatre volumes in-12, qui contiennent les derniers voyages de l'auteur, faits de 1729 à 1733, et racontés en cinquante-quatre lettres.
92-a Le baron de Pöllnitz corrigea ses Mémoires, et en présenta, en 1745, le premier volume à la reine douairière Sophie-Dorothée, à qui il les dédia. Plus tard il retoucha encore son ouvrage, comme on peut le voir dans l'édition de 1791, la seule qui en ait été faite, et qui fut publiée à Berlin par F.-L. Brunn, d'après le manuscrit de 1754, sous le titre de : Mémoires pour servir à l'histoire des quatre derniers souverains de la maison de Brandebourg royale de Prusse. Le manuscrit présenté en 1745 à la reine douairière, rédigé en forme de lettres et renfermant les règnes de l'électeur Frédéric-Guillaume et de Frédéric Ier, se trouve à présent dans la bibliothèque de M. Benoni Friedländer.
93-a De la main du Roi.
94-a Le marquis d'Argens dit dans sa lettre à Frédéric, du 17 avril 1760 : « Si je ne savais que le baron de Pöllnitz est à Magdebourg, je croirais qu'il vous a dévoilé tous les secrets de cette sainte mère Église dans laquelle il est entré pour la troisième fois. » Voyez t. XIX, p. 174. Le baron de Pöllnitz, né calviniste, fit sa première abjuration en 1717.
95-a Ce retranchement avait réduit les appointements du baron à douze cents écus.