<106>ayons beaucoup à nous plaindre. La liberté d'indifférence, dans les choses discernables, n'est donc pas réellement une liberté.

A l'égard du pouvoir de choisir entre des choses parfaitement semblables, comme nous n'en connaissons point, il est difficile de pouvoir dire ce qui nous arriverait alors. Je ne sais même si ce pouvoir serait une perfection; mais ce qui est bien certain, c'est que le pouvoir soi-mouvant, seule et véritable source de la liberté, ne pourrait être détruit par l'indiscernabilité de deux objets : or, tant que l'homme aura ce pouvoir soi-mouvant, l'homme sera libre.

4o Quant à ce que notre volonté est toujours déterminée par ce que notre entendement juge le meilleur, je réponds : La volonté, c'est-à-dire, la dernière perception ou approbation de l'entendement, car c'est là le sens de ce mot dans l'objection dont il s'agit; la volonté, dis-je, ne peut avoir aucune influence sur le pouvoir soi-mouvant en quoi consiste la liberté. Ainsi la volonté n'est jamais la cause de nos actions, quoiqu'elle en soit l'occasion; car une notion abstraite ne peut avoir aucune influence physique sur le pouvoir physique soi-mouvant qui réside dans l'homme; et ce pouvoir est exactement le même avant et après le dernier jugement de l'entendement.

Il est vrai qu'il y aurait une contradiction dans les termes, moralement parlant, qu'un être qu'on suppose sage fasse une folie, et que par conséquent il préférera sûrement ce que son entendement jugera être le meilleur; mais il n'y aurait à cela aucune contradiction physique, car la nécessité physique et la nécessité morale sont deux choses qu'il faut distinguer avec soin. La première est toujours absolue; mais la seconde n'est jamais que contingente; et cette nécessité morale est très-compatible avec la liberté naturelle et physique la plus parfaite.

Le pouvoir physique d'agir est donc ce qui fait de l'homme un être libre, quel que soit l'usage qu'il en fait, et la privation de ce pouvoir suffirait seule pour le rendre un être purement passif, malgré son intelligence; car une pierre que je jette n'en serait pas moins un être passif, quoiqu'elle eût le sentiment intérieur du mouvement que je lui donne et lui imprime. Enfin, être déterminé par ce qui nous paraît le meilleur, c'est une