<11>qu'aux oreilles d'un prince. Je me proposerai ce portrait pour modèle, et je ferai tous mes efforts pour me rendre le digne disciple d'un maître qui sait si divinement enseigner.
Je me sens déjà infiniment redevable à vos ouvrages; c'est une source où l'on peut puiser les sentiments et les connaissances dignes des plus grands hommes. Ma vanité ne va pas jusqu'à m'arroger ce titre, et ce sera vous, monsieur, à qui j'en aurai l'obligation, si j'y parviens;
Et d'un peu de vertu si l'Europe me loue,
Je vous la dois, seigneur, il faut que je l'avoue.a
Je ne puis m'empêcher d'admirer ce généreux caractère, cet amour du genre humain qui devrait vous mériter les suffrages de tous les peuples; j'ose même avancer qu'ils vous doivent autant et plus que les Grecs à Solon et à Lycurgue, ces sages législateurs dont les lois firent fleurir leur patrie, et furent le fondement d'une grandeur à laquelle la Grèce n'aurait jamais aspiré ni osé prétendre sans eux. Les auteurs sont les législateurs du genre humain; leurs écrits se répandent dans toutes les parties du monde, et, étant connus de tout l'univers, ils manifestent des idées dont les autres sont empreints. Ainsi vos ouvrages publient vos sentiments. Le charme de votre éloquence est leur moindre beauté; tout ce que la force des pensées et le feu de l'expression peuvent produire d'achevé, quand ils sont réunis, s'y trouve. Ces véritables beautés charment vos lecteurs, elles les touchent; ainsi tout un monde respire bientôt cet amour du genre humain que votre heureuse impulsion a fait germer en lui. Vous formez de bons citoyens, des amis fidèles, et des sujets qui, abhorrant également la rébellion et la tyrannie, ne sont zélés que pour le bien public. Enfin c'est à vous que l'on doit toutes les vertus qui font la sûreté et le charme de la vie. Que ne vous doit-on pas!
Si l'Europe entière ne reconnaît pas cette vérité, elle n'en est pas moins vraie. Enfin, si toute la nature humaine n'a pas pour vous la reconnaissance que vous méritez, soyez du moins certain de la mienne. Regardez désormais mes actions comme le fruit
a La Henriade, chant II, v. 109 et 110. Voyez aussi t. XVII, p. 303.