<113>Je ne songe au reste, monseigneur, dans les moments de relâche que me donne ma mauvaise santé, qu'à me rendre un peu moins indigne de vos bontés, en étudiant de plus en plus des arts que vous protégez, et que vous daignez cultiver vous-même. Je regarde la vie que mène V. A. R. comme le modèle de la vie privée; mais, si jamais vous étiez sur le trône, les rois devraient faire alors ce que nous faisons à présent, nous autres petits particuliers, prendre exemple de vous.
Madame la marquise du Châtelet est aussi sensible à l'honneur de votre souvenir qu'elle en est digne. Son âme pense en tout comme la vôtre. Nous étions faits pour être vos sujets. Je suis persuadé que, si vous regardiez bien dans vos titres, vous verriez que le marquisat de Cirey est une ancienne dépendance du Brandebourg; cela est plus sûr que la fondation de Remusberg par Rémus.
Nous sommes toujours incertains si le paquet d'octobre, pour V. A. R., et celui pour votre aimable ambassadeur, sont parvenus à votre adresse.
Je suis avec le plus profond respect et avec l'attachement le plus inviolable et le plus tendre, etc.
32. A VOLTAIRE.
Remusberg, 13 (12) novembre 1737.
Monsieur, je vous avoue qu'il n'est rien de plus trompeur que de juger des hommes sur leur réputation. L'histoire du Czar, que je vous envoie, m'oblige de me rétracter de ce que la haute opinion que j'avais de ce prince m'avait fait avancer. Il vous paraîtra, dans cette histoire, bien différent de ce qu'il est dans votre imagination, et c'est, si je peux m'exprimer ainsi, un homme de moins dans le monde réel.
Un concours de circonstances heureuses, des événements favorables, et l'ignorance des étrangers, ont fait du Czar un