<121>ode, et s'il voyait avec quelle légèreté cette résolution est rompue. J'avoue que je n'ai aucune raison assez forte pour m'excuser; aussi n'est-ce pas pour vous faire mon apologie que je vous écris; bien loin de là, je vous regarde comme un ami sûr et sincère, auquel je puis faire un libre aveu de toutes mes faiblesses. Vous êtes mon confesseur philosophique; enfin j'ai si bonne opinion de votre indulgence, que je ne crains rien en vous confiant mes folies. En voici un bon nombre : une Épître qui vous fera suer, vu la peine qu'elle m'a donnée; un petit conte assez libre,b qui vous donnera mauvaise idée de ma catholicité, et encore plus de mes hérétiques ébats; et enfin cette ode à laquelle vous avez touché, et que j'ai eu la hardiesse de refondre. Encore un coup, souvenez-vous, monsieur, que je ne vous envoie ces pièces que pour les soumettre à votre critique, et non pour gueuser vos suffrages. Je sens tout le ridicule qu'il y aurait à moi de vouloir entrer en lice avec vous, et je comprends très-bien que, si quelque Paphlagonien s'était avisé d'envoyer des vers latins à Virgile pour le défier au combat, Virgile, au lieu de lui répondre, n'aurait pu mieux faire que de conseiller à ses parents de l'enfermer aux Petites-Maisons, au cas qu'il y en eût en Paphlagonie. Enfin je ne vous demande que de la critique et une sévérité inflexible. Je suis à présent dans l'attente de vos lettres; je m'en promets tous les jours de poste; vers l'heure qu'elles arrivent, tous mes domestiques sont en campagne pour m'apporter mon paquet; bientôt l'impatience me prend moi-même, je cours à la fenêtre; et ensuite, fatigué de ne rien voir venir, je me remets à mes occupations ordinaires. Si j'entends du bruit dans l'antichambre, m'y voilà : Eh bien, qu'est-ce? qu'on me donne mes lettres : point de nouvelles? Mon imagination devance de beaucoup le courrier. Enfin, après que ce train a continué pendant quelques heures, voilà mes lettres qui arrivent, moi à les décacheter; je cherche votre écriture (souvent vainement); et, lorsque je l'aperçois, mon empressement m'empêche d'ouvrir le cachet; je lis, mais si vite, que je suis obligé d'en revenir quelquefois jusqu'à la troisième lecture, avant que mes esprits calmés me permettent de comprendre ce que j'ai lu; et il arrive même


b La Bulle du pape, t. XIV. p. 172-177.