<15>et au peuple celle de la croire, car mon caractère n'est point de forcer personne; et ce même caractère, qui me rend le défenseur de la liberté, me fait haïr la persécution et les persécuteurs. Je ne puis voir, les bras croisés, l'innocence opprimée; il y aurait non de la douceur, mais de la lâcheté et de la timidité à le souffrir.
Je n'aurais jamais embrassé avec tant de chaleur la cause de M. Wolff, si je n'avais vu des hommes, qui pourtant se disent raisonnables, porter leur aveugle fureur jusqu'à se répandre en fiel et en amertume contre un philosophe qui ose penser librement, par la seule raison de la diversité de leurs sentiments et des siens : voilà l'unique motif de leur haine. Le même motif leur fait exalter la mémoire d'un scélérat, d'un perfide, d'un hypocrite, par cela seulement qu'il a pensé comme eux.
Je suis charmé de voir, monsieur, le témoignage que vous rendez aux quatre plus grands philosophes que l'Europe ait jamais portés. Leurs ouvrages sont des trésors de vérité; il est bien fâcheux qu'il s'y trouve des erreurs. La diversité de leurs sentiments sur la métaphysique nous fait voir l'incertitude de cette science et les bornes étroites de notre entendement. Si Newton, si Leibniz, si Locke, ces génies supérieurs, ces gens dont l'esprit était accoutumé à penser toute leur vie, n'ont pu entièrement secouer le joug des opinions pour parvenir à des connaissances certaines, à quoi peut s'attendre un écolier en philosophie tel que moi?
M. Wolff sera très-flatté de l'approbation dont vous honorez sa Métaphysique. Elle la mérite en effet; c'est un des ouvrages les plus achevés en ce genre. Il y a plaisir à se soumettre aux yeux d'un juge auquel les beaux endroits et les faibles n'échappent point.
Je suis lâché de ne pouvoir accompagner ma lettre de la traduction de cette Métaphysique, dont je vous ai envoyé une espèce d'extrait, et que je vous ai promise tout entière. Vous savez, monsieur, que ces sortes d'ouvrages ne sont pas petits, et qu'ils se font fort lentement. Je fais copier cependant ce qui est achevé, et j'espère de le joindre à la première de mes lettres.
J'accompagne celle-ci de la Logique de M. Wolff, traduite par le sieur des Champs, jeune homme né avec assez de talent;