<164>à politiquer avec quelques misérables nouvellistes sur les conjonctures présentes de l'Europe. Je crois qu'il doit être bien embarrassé à présent pour deviner ce qui se fera, la campagne prochaine, en Hongrie, et qu'il attend avec grande impatience l'arrivée des événements, pour savoir s'il s'est trompé dans ses conjectures, ou non.
Je n'ajouterai qu'une réflexion à celles que je viens de faire; c'est que ni le franc arbitre ni la fatalité absolue ne disculpent pas la Divinité de sa participation au crime; car, que Dieu nous donne la liberté de malfaire, ou qu'il nous pousse immédiatement au crime, cela revient à peu près au même; il n'y a que du plus ou du moins. Remontez à l'origine du mal, vous ne pourrez que l'attribuer à Dieu, à moins que vous ne vouliez embrasser l'opinion des manichéens touchant les deux principes; ce qui ne laisse pas d'être hérissé de difficultés. Puis donc que, selon nos systèmes, Dieu est également le père des crimes et des vertus, puisque MM. Clarke, Locke et Newton ne me présentent rien qui concilie la sainteté de Dieu avec le fauteur des crimes, je me vois obligé de conserver mon système; il est plus lié, plus suivi. Après tout, je trouve une espèce de consolation dans cette fatalité absolue, dans cette nécessité qui dirige tout, qui conduit nos actions, et qui fixe les destinées.
Vous me direz que c'est une petite consolation que celle que l'on tire des considérations de notre misère et de l'immutabilité de notre sort. J'en conviens; mais il faut bien s'en contenter, faute de mieux. Ce sont de ces remèdes qui assoupissent les douleurs, et qui laissent à la nature le temps de faire le reste.
Après vous avoir fait un exposé de mes opinions, j'en reviens, comme vous, à l'insuffisance de nos lumières. Il me paraît que les hommes ne sont pas faits pour raisonner profondément sur les matières abstraites. Dieu les a instruits autant qu'il est nécessaire pour se gouverner dans ce monde, mais non pas autant qu'il faudrait pour contenter leur curiosité. C'est que l'homme est fait pour agir, et non pas pour contempler.a
Prenez-moi, monsieur, pour tout ce qu'il vous plaira, pourvu que vous vouliez croire que votre personne est l'argument le plus
a Voyez t. X, p. 110.