<168>puis-je espérer que vos divinités voudront excuser les fautes que font ces pauvres mortels quand ils se mêlent de vouloir parler comme vous.

J'attends quelque coup de foudre de la part du Jupiter de Cirey, sur certaine discussion de métaphysique que j'ai osé hasarder. Je fais ce que je puis pour m'élever aux cieux; je remue les bras, et je crois voler; mais, quoi que je puisse faire, je sens bien que mon esprit n'est pas de nature à pouvoir se démêler de toutes les difficultés qui se présentent dans cette carrière.

Il semble que le Créateur nous a donné autant de raison qu'il nous en faut pour nous conduire sagement dans ce monde, et pour pourvoir à tous nos besoins; mais il semble aussi que cette raison ne suffit pas pour contenter ce fonds insatiable de curiosité que nous avons en nous, et qui s'étend souvent trop loin. Les absurdités et les contradictions qui se rencontrent de toutes parts donnent sans fin naissance au pyrrhonisme; et, à force d'imaginer, on ne parle qu'à son imagination. Après tout, je tiens pour une vérité incontestable et certaine le plaisir et l'admiration que vous me causez. Ce n'est point une illusion des sens, un préjugé frivole, mais une parfaite connaissance de l'homme le plus aimable du monde.

Je m'en vais rayer toutes les trompettes, corriger, changer et me peiner, jusqu'à ce que vos remarques soient éludées. Mérope ne sort point de mes mains; c'est une vierge dont je garde l'honneur. Je suis avec une très-parfaite estime, monsieur, etc.

46. AU MÊME.

Remusberg, 27 février 1738.

Monsieur, vos ouvrages n'ont aucun prix;a c'est une vérité dont je suis convaincu il y a longtemps. Cela n'empêche pas cependant


a Monsieur, vos ouvrages sont sans prix. (Variante des Œuvres posthumes, t. VIII, p. 242, où cette lettre est datée du 26 février 1737.) Voyez ci-dessus, p. 20 et 99.