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48. DU MÊME.

Cirey, 8 mars 1738.

Monseigneur, le plus zélé de vos admirateurs n'est pas le plus assidu de vos correspondants. La raison en est qu'il est le plus malade, et que très-souvent la fièvre le prend quand il voudrait passer ses plus agréables heures à avoir l'honneur d'écrire à V. A. R.

Nous avons reçu votre belle prose du 19 février, et vos vers pour madame la marquise du Châtelet, qui est confondue, charmée, et qui ne sait comment répondre à ces agaceries si séduisantes; et, avec votre lettre du 27, l'Ode sur la Patience, par laquelle votre muse royale adoucit les maux de M. de Keyserlingk. J'ai fait mon profit de cette ode; elle va très-bien à mon état de langueur. Le remède opère sur moi tout aussi bien que sur votre goutteux, car je me tiens tout aussi philosophe que lui. Je sens comme lui le prix de vos vers, et je trouve, comme lui, dans les lettres de V. A. R., un charme contre tous les maux.

Vous aimez Keyserlingk, et vous prenez le soin
De l'exhorter à patience;
Ah! quand nous vous lisons, grâce à votre éloquence,
D'une telle vertu nous n'avons pas besoin.

Puisque vous daignez, monseigneur, amuser votre loisir par des vers, voici donc la troisième Épître sur le Bonheur, que je prends la liberté de vous envoyer. Le sujet de cette troisième Épître est l'envie,a passion que je voudrais bien que V. A. R. inspirât à tous les rois. Je vous envoie de mes vers, monseigneur, et vous m'honorez des vôtres. Cela me fait souvenir du commerce perpétuel qu'Hésiode dit que la terre entretient avec le ciel; elle envoie des vapeurs, les dieux rendent de la rosée. Grand merci de votre rosée, monseigneur; mais ma pauvre terre sera incessamment en friche. Les maladies me minent, et rendront bientôt mon champ aride; mais ma dernière moisson sera pour vous.

Extremum hunc, Arethusa, mihi concede laborem,
Pauca Federico,b.............


a Troisième Discours sur l'Homme. De l'Envie.

b Virgile, Bucoliques, églogue X, v. 1 et 2.