<204>Il est clair que vous cueillerez
Ces beaux lauriers de la victoire,
Et même vous les chanterez;
Vous serez l'Achille et l'Homère.
Votre esprit, votre ardeur guerrière,
Des Français se feront chérir;
Vous aurez le double plaisir
Et de nous vaincre, et de nous plaire.b

Je demande en grâce à V. A. R. qu'une des premières expéditions de ses campagnes soit de venir reprendre Cirey, qui a été très-injustement détaché de Remusberg, auquel il appartient de droit. Mais, à la paix, ne rendez jamais Cirey, je vous en conjure, monseigneur; rendez, si vous le voulez, Strasbourg et Metz, mais gardez votre Cirey, et surtout que le canon n'endommage point les lambris dorés et vernis, et les niches et les entre-sols d'Émilie. Je me doute qu'il y a en chemin une écritoire pour elle. Celle dont vous avez honoré M. Jordan va faire éclore d'excellents ouvrages. Si c'était un autre que Jordan, je dirais sur cette écritoire venue de votre main ce que je ne sais quel Turc disait à Scanderbeg : « Vous m'avez envoyé votre sabre, mais vous ne m'avez pas envoyé votre bras. »

Votre Epître à Jordana est de la très-bonne plaisanterie; celle à Césarionb est digne de votre cœur et de votre esprit. Le Philosophe guerrierc répond très-bien à son titre; cela est plein d'imagination et de raison. Remarquez, je vous en supplie, monseigneur, que vous ne faites que de légères fautes contre la langue et contre notre versification. Par exemple, dans ce beau commencement :

Loin de ce séjour solitaire
Où, sous les auspices charmants
De l'amitié tendre et sincère, etc.,

vous mettez la science non d'orgueil enflée.


b Voltaire écrit à d'Alembert, le 6 décembre 1757 : « Le roi de Prusse a obtenu ce qu'il a toujours désiré, de battre les Français, de leur plaire, et de se moquer d'eux. »

a Voyez t. XIV, p. 52-55.

b L. c, p. 61-68.

c Voyez t. XI, p. 77-79.