<205>Vous ne pouvez deviner que science est là de trois syllabes, et que ce non est un peu dur après science. Voilà ce qu'un grammairien de l'Académie française vous dirait; mais vous avez ce que n'a nul académicien de nos jours, je veux dire du génie.
Je vous demande pardon, monseigneur, mais savez-vous combien ces vers sont beaux :
Et le trépas qui nous poursuit
Sous nos pas creuse notre tombe;
L'homme est une ombre qui s'enfuit,
Une fleur qui se fane et tombe.
Mille chemins nous sont ouverts
Pour quitter ce triste univers;
Mais la nature si féconde
N'en fit qu'un pour entrer au monde.
Elle n'a fait qu'un Frédéric; puisse-t-il rester en ce monde aussi longtemps que son nom!
Je jure à V. A. R. que, dès que vous aurez repris possession du château de Cirey, il ne sera plus question de la capucinade que vous me reprochez si héroïquement. Mais, monseigneur, Socrate sacrifiait quelquefois avec les Grecs. Il est vrai que cela ne le sauva pas; mais cela peut sauver les petits socratins d'aujourd'hui :
Félix, quem faciunt aliena pericula cautum!II y avait une fois un beau jeune lion qui passait hardiment auprès d'un ânon que son maître chargeait et battait : « N'as-tu pas de honte, dit ce lion à l'ânon, de te laisser mettre ainsi deux paniers sur le dos? - Monseigneur, lui répondit l'ânon, quand j'aurai l'honneur d'être lion, ce sera mon maître qui portera mes paniers. »
Tout ânon que je suis, voici une Épître assez ferme que j'ai l'honneur de joindre à ce paquet. Je serais curieux de savoir ce qu'un Wolff en penserait, si sapientissimus Wolffius pouvait lire des vers français. Je voudrais bien avoir l'avis d'un Jordan, qui sera, je crois, digne successeur de M. de Beausobre; surtout d'un Césarion, mais surtout, surtout de V. A. R., de vous, grand prince et grand homme, qui réunissez tous les talents de ceux dont je parle.