<227>C'est un grand ouvrage, et je crois
Qu'il ferait bien mieux de se taire.
Mais le cas est tout différent;
L'écritoire est pour Émilie;
Grand prince, elle eut votre génie
Avant d'avoir votre présent
Le ciel tous les deux vous réserve
Pour l'exemple de nos neveux;
Et c'est Mars qui, du haut des cieux,
Envoie une égide à Minerve.
Il fallait V. A. R., monseigneur, et Émilie pour me donner la force de penser et d'écrire. J'ai été assez près d'aller voir ce royaume qu'Orphée charma, et dont je n'aurais voulu revenir que pour Émilie et pour votre personne.
Vous ne croiriez peut-être pas, monseigneur, que j'ai encore beaucoup réformé Mérope. J'avais, dans le commencement, voulu imiter le marquis Maffei, car j'aime passionnément à faire valoir dans ma patrie les chefs-d'œuvre des étrangers. Mais petit à petit, à force de travailler, la Mérope est devenue toute française. Grâce à vos sages critiques, elle est autant à vous qu'à moi; aussi, quand je la ferai imprimer, je vous demanderai la permission de vous la dédier, et de mettre à vos pieds et la pièce, et mes idées sur la tragédie.
Je ne sais si V. A. R. a reçu la nouvelle édition des Éléments de Newton. Puisqu'elle daigne s'intéresser assez à moi pour me mander que M. s'Gravesande n'en a pas dit de bien, je lui dirai que je n'en suis pas surpris.
Les libraires ou corsaires hollandais, impatients de débiter cet ouvrage, se sont avisés de faire brocher les deux derniers chapitres par un métaphysicien hollandais, qui s'est avisé de contredire les sentiments de M. s'Gravesande dans les deux chapitres postiches. Il nie les deux plus beaux avantages du système newtonien, l'explication des marées, et la cause de la précession des équinoxes, qui vient sans difficulté de la protubérance de la terre à l'équateur. M. s'Gravesande est avec raison attaché à ces deux grands points. D'ailleurs, le livre est imprimé avec cent fautes ridicules. L'édition de France, sous le nom de Londres, est un peu plus correcte. Les cartésiens crient comme des fous