<249>L'art de rendre injure pour injure est le partage des crocheteurs. Quand même ces injures seraient des vérités, quand même elles seraient échauffées par le feu d'une belle poésie, elles restent toujours ce qu'elles sont. Ce sont des armes bien placées dans les mains de ceux qui se battent à coups de bâton, mais qui s'accordent mal avec ceux qui savent faire usage de l'épée.
Votre mérite vous a si fort élevé au-dessus de la satire et des envieux, qu'assurément vous n'avez pas besoin de repousser leurs coups. Leur malice n'a qu'un temps, après quoi elle tombe avec eux dans un oubli éternel.
L'histoire, qui a consacré la mémoire d'Aristide, n'a pas daigné conserver les noms de ses envieux. On les connaît aussi peu que les persécuteurs d'Ovide.
En un mot, la vengeance est la passion de tout homme offensé; mais la générosité n'est la passion que des belles âmes. C'est la vôtre, c'est elle assurément qui vous a dicté cette belle lettre, que je ne saurais assez admirer, que vous adressez à vos libraires.
Je suis charmé que le monde soit obligé de convenir que votre philosophie est aussi sublime dans la pratique qu'elle l'est dans la spéculation.
Mes tributs accompagneront cette lettre. Les dissipations de la ville, certains termes inconnus à Cirey et à Remusberg, de devoir, de respects, de cour, mais d'une efficacité très-incommode dans la pratique, m'enlèvent tout mon temps. Vous vous en apercevrez sans doute, car je n'ai pas seulement pu abréger ma lettre. A propos, comment se porte Louis XIV? Vous allez dire : Quel importun! cet Apicius n'est jamais rassasié de mes ouvrages.
Assurez, je vous prie, cette déesse qui transforma Newton en Vénus, de mes adorations; et si vous voyez un certain poëte philosophe, l'auteur de la Henriade et de l'Épître à Uranie, assurez-le que je l'estime et le considère on ne peut pas davantage.