<28>particuliers, joints à un motif que vous pourriez avoir d'ailleurs pour ne point porter vos pas dans ces contrées, me sont des raisons suffisantes pour ne vous point presser sur ce sujet. J'aime mes amis d'une amitié désintéressée, et je préférerai en toutes occasions leur intérêt à mon agrément. Il suffit que vous me laissiez l'espérance de vous voir une fois dans la vie. Votre correspondance me tiendra lieu de votre personne; j'espère qu'elle sera plus facile à présent, vu la commodité des postes.
Je vous prie, monsieur, de m'avertir quand vous quitterez la Hollande pour aller en Angleterre; en ce cas, vous pouvez remettre vos lettres à notre envoyé Borcke. Je souffre beaucoup en voyant un homme de votre mérite la victime et la proie de la méchanceté des hommes. Le suffrage que je vous donne doit, par mon éloignement, vous tenir lieu de celui de la postérité. Triste et frivole consolation! Elle a pourtant été celle de tous les grands hommes qui, avant vous, ont souffert de la haine que les âmes basses et envieuses portent aux génies supérieurs. Des gens peu éclairés se laissent séduire par la malignité des méchants; semblables à ces chiens qui suivent en tout le chef de meute, qui aboient quand ils entendent aboyer, et qui prennent servilement le change avec lui. Quiconque est éclairé par la vérité se dégage des préjugés; il la découvre, et les déteste; il dévoile la calomnie, et l'abhorre. Soyez sûr, monsieur, que ces considérations font que je vous rendrai toujours justice. Je vous croirai toujours semblable à vous-même. Je m'intéresserai toujours vivement à ce qui vous regarde, et la Hollande, pays qui ne m'a jamais déplu, me deviendra une terre sacrée, puisqu'elle vous contient. Mes vœux vous suivront partout, et la parfaite estime que j'ai pour vous, étant fondée sur votre mérite, ne cessera que quand il plaira au Créateur de mettre fin à mon existence. Ce sont les sentiments avec lesquels je suis, monsieur, etc.