<286>prince dont je serai à jamais, avec le plus profond respect, et, si S. A. R. le permet, avec tendresse, etc.
85. DU MÊME.
Cirey, 25 avril 1739.
Monseigneur, j'ai donc l'honneur d'envoyer à Votre Altesse Royale la lie de mon vin. Voici les corrections d'un ouvrage qui ne sera jamais digne de la protection singulière dont vous l'honorez. J'ai fait au moins tout ce que j'ai pu; votre auguste nom fera le reste. Permettez encore une fois, monseigneur, que le nom du plus éclairé, du plus généreux, du plus aimable de tous les princes, répande sur cet ouvrage un éclat qui embellisse jusqu'aux défauts mêmes; souffrez ce témoignage de mon tendre respect, il ne pourra point être soupçonné de flatterie. Voilà la seule espèce d'hommages que le public approuve. Je ne suis ici que l'interprète de tous ceux qui connaissent votre génie. Tous savent que j'en dirais autant de vous, si vous n'étiez pas l'héritier d'une monarchie.
J'ai dédié Zaïre à un simple négociant; je ne cherchais en lui que l'homme. Il était mon ami, et j'honorais sa vertu. J'ose dédier la Henriade à un esprit supérieur. Quoiqu'il soit prince, j'aime plus encore son génie que je ne révère son rang.
Enfin, monseigneur, nous partons incessamment, et j'aurai l'honneur de demander les ordres de V. A. R., dès que la chicane qui nous conduit nous aura laissé une habitation fixe. Madame du Châtelet va plaider pour de petites terres, tandis que probablement vous plaiderez pour de plus grandes, les armes à la main. Ces terres sont bien voisines du théâtre de la guerre que je crains;
Mantua vae miserae nimium vicina Cremonae!aJe me flatte qu'une branche de vos lauriers mise sur la porte
a Virgile, Bucoliques, églogue IX, v. 28.