<30>fait la splendeur d'un État, en fait la richesse, et que ceux qui crient contre ce qu'on appelle le luxe ne sont guère que des pauvres de mauvaise humeur. Je crois qu'on peut enrichir un État en donnant beaucoup de plaisir à ses sujets. Si c'est une erreur, elle me paraît jusqu'ici bien agréable. Mais j'attendrai le sentiment de V. A. R. pour savoir ce que je dois en penser. Au reste, monseigneur, c'est par pure humanité que je conseille les plaisirs; le mien n'est guère que l'étude et la solitude. Mais il y a mille façons d'être heureux. Vous méritez de l'être de toutes : ce sont les vœux que je fais pour vous, etc.
10. A VOLTAIRE.
Berlin, janvier 1737.a
Non, monsieur, je ne vous ai point envoyé mon portrait; une pareille manie ne m'est jamais venue dans l'esprit. Mon portrait n'est ni assez beau ni assez rare pour vous être envoyé. Un malentendu a donné lieu à cette méprise. Je vous ai envoyé, monsieur, une bagatelle pour marque de mon estime, un buste de Socrate en guise de pommeau sur une canne; et la façon dont cette canne a été roulée, à la manière dont on roule les tableaux, aura donné lieu à cette erreur. Ce buste, de toutes façons, était plus digne de vous être envoyé que mon portrait. C'est l'image du plus grand homme de l'antiquité, d'un philosophe qui a fait la gloire des païens, et qui, jusqu'à nos jours, est l'objet de la jalousie et de l'envie des chrétiens. Socrate fut calomnié; eh! quel grand homme ne l'est pas? Son esprit, amateur de la vérité, revit en vous. Aussi vous seul méritez de conserver le buste de ce philosophe. J'espère, monsieur, que vous voudrez bien le conserver
Madame la marquise du Châtelet me fait bien de l'honneur de vouloir bien s'intéresser pour mon soi-disant portrait. Elle serait capable de me donner meilleure opinion de moi que je n'en ai ja-
a Le 16 janvier 1737. (Variante des Œuvres posthumes, t. VIII, p. 240.)