<310>On ne parle à Paris que de fêtes, de feux d'artifice; on dépense beaucoup en poudre et en fusées. On dépensait autrefois davantage en esprit et en agréments; et, quand Louis XIV donnait des fêtes, c'était les Corneille, les Molière, les Quinault, les Lulli, les Le Brun, qui s'en mêlaient. Je suis fâché qu'une fête ne soit qu'une fête passagère, du bruit, de la foule, beaucoup de bourgeois, quelques diamants, et rien de plus; je voudrais qu'elle passât à la postérité. Les Romains, nos maîtres, entendaient mieux cela que nous; les amphithéâtres, les arcs de triomphe, élevés pour un jour solennel, nous plaisent et nous instruisent encore. Nous autres, nous dressons un échafaud dans la place de Grève, où, la veille, on a roué quelques voleurs; on tire des canons de l'hôtel de ville. Je voudrais qu'on employât plutôt ces canons-là à détruire cet hôtel de ville, qui est du plus mauvais goût du monde, et qu'on mît, à en rebâtir un beau, l'argent qu'on dépense en fusées volantes. Un prince qui bâtit fait nécessairement fleurir les autres arts; la peinture, la sculpture, la gravure, marchent à la suite de l'architecture. Un beau salon est destiné pour la musique, un autre pour la comédie. On n'a à Paris ni salle de comédie, ni salle d'opéra; et, par une contradiction trop digne de nous, d'excellents ouvrages sont représentés sur de très-vilains théâtres. Les bonnes pièces sont en France, et les beaux vaisseaux en Italie.
Je n'entretiens V. A. R. que de plaisirs, tandis qu'elle combat sérieusement Machiavel pour le bonheur des hommes; mais je remplis ma vocation, comme mon prince remplit la sienne; je peux tout au plus l'amuser, et il est destiné à instruire la terre.
Je suis, etc.