<335>marques un peu critiques, pour réveiller l'attention du lecteur. Je me suis tu sur toutes les choses où la prudence m'a fermé la bouche, et je n'ai point permis à ma plume de trahir les intérêts de mon repos.
Je sais une infinité d'anecdotes sur les cours de l'Europe, qui auraient à coup sûr diverti mes lecteurs; mais j'aurais composé une satire d'autant plus offensante, qu'elle eût été vraie; et c'est ce que je ne ferai jamais. Je ne suis point né pour chagriner les princes, je voudrais plutôt les rendre sages et heureux. Vous trouverez donc dans ce paquet cinq chapitres de Machiavel, le plan de Remusberg, que je vous dois depuis longtemps, et quelques poudres qui sont admirables pour vos coliques. Je m'en sers moi-même, et elles me font un bien infini. Il les faut prendre le soir, en se couchant, avec de l'eau pure.
Adieu, cher ami toujours malade et toujours persécuté; je vous quitte pour reprendre mon ouvrage, et noircir le caractère infâme et scélérat de l'avocat du crime, de la même plume qui fit l'éloge de l'incomparable auteur de la Henriade; mais elle confondra plus facilement le corrupteur du genre humain qu'elle n'a pu louer le précepteur de l'humanité. C'est une chose fâcheuse pour l'éloquence que, lorsqu'elle a de grandes choses à dire, elle soit toujours inférieure à son sujet.
Mes amitiés à la marquise, mes compliments à vos amis, qui doivent être les miens, puisqu'ils sont dignes d'être les vôtres. Je suis avec toute l'amitié et la tendresse possibles, mon cher Voltaire, etc.
105. AU MÊME.
Berlin, 4 décembre 1739.
Mon cher ami, vous me promettez votre nouvelle tragédie tout achevée; je l'attends avec beaucoup de curiosité et d'impatience. J'étais déjà charmé de ce premier feu qu'avait jeté votre génie immortel, et je juge de Zopire achevé par la belle ébauche que