<340>propose est aisé, et je le soumets à votre jugement. J'attendrai les ordres précis de mon maître, et je conserverai le manuscrit jusqu'à ce qu'il permette que j'y touche et que j'en dispose.

Ce sera dorénavant V. A. R. qui m'enverra des productions françaises; je ne suis plus qu'un serviteur inutile; je reçois, et je ne donne rien. Je raccommode un peu le Machiavel de l'Asie; je rabote Mahomet, dont vous avez vu les commencements informes. Je ne continuerai point ici l'Histoire du Siècle de Louis XIV; j'en suis un peu dégoûté, quoique je me sois proposé de l'écrire tout entière dans le style modéré dont V. A. R. a pu voir l'échantillon. D'ailleurs, je suis ici sans mes manuscrits et sans mes livres. Je vais me remettre un peu à la physique. Que ne puis-je être avec les Célius et les hommes de mérite que votre réputation attire déjà dans vos États!

On m'avait dit que le ministre tant annoncé était digne de dîner et de souper; mais je vois bien qu'il n'est digne que de dîner. J'ai reçu une lettre d'Algarotti, datée de Londres, du 1er octobre; elle m'a attendu trois mois à Bruxelles. Ce M. Algarotti est encore tout étonné de ce qu'il a vu à Remusberg. Ah! quel prince est ça! dit-il; il ne revient pas de sa surprise. Et moi, monseigneur, et moi, pourquoi ne suis-je pas Algarotti? Pourquoi M. du Châtelet n'est-il pas Baltimore? Si je n'étais auprès d'Émilie, je mourrais de n'être pas auprès de vous.

Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, etc.

107. A VOLTAIRE.

Berlin, 6 janvier 1740.

Mon cher Voltaire, si j'ai différé de vous écrire, c'était seulement pour ne point paraître les mains vides devant vous. Je vous envoie par cet ordinaire cinq chapitres de l'Antimachiavel, et une Ode sur la Flatterie,a que mon loisir m'a permis de faire.


a Voyez t. X, p. 19-24.