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121. DE VOLTAIRE.

(Bruxelles, mai 1740.)



Monseigneur,

On vous dit à Ruppin rendu,
Sauvé de la foule importune
Du courtisan trop assidu,
Et des attraits de la Fortune,
Entre les bras de la Vertu.

Les gazettes disent que V. A. R. y fait faire un manége; apparemment qu'il y aura une place pour le cheval Pégase, qui me paraît un des chevaux de votre écurie que vous montez le plus souvent. Vous vous étonnez, monseigneur, que ma faible santé m'ait laissé assez de forces pour faire quelques ouvrages médiocres; et moi, je suis bien plus surpris que la situation où vous avez été si longtemps ait pu vous laisser dans l'esprit assez de liberté pour faire des choses si singulières. Faire des vers quand on n'a rien à faire ne m'effraye point; mais en faire de si bons, et dans une langue étrangère, quand on est dans une crise si violente, cela est fort au-dessus de mes forces.

Tantôt votre muse badine
Dans un conte folâtre, et rit;
Tantôt sa morale divine
Eclaire et forme notre esprit.
Je vois là votre caractère;
Vous êtes fait assurément
Pour l'agréable et pour le grand,
Pour nous gouverner, pour nous plaire;
Il est gens dans le ministère
De qui je n'en dirais pas tant.

Je n'ai point ici les ouvrages de Boileau; mais je me souviens qu'il traduisit, en deux vers,a le vers d'Horace :


a Boileau dit dans sa quatrième Satire, A M. l'abbé Le Vayer, v. 64 :
     

A grossir un trésor qui ne lui sert de rien.

Après ce vers il y en avait treize autres, que l'auteur a retranchés plus tard :
     

Dites-moi, pauvre esprit, âme basse et vénale,
Ne vous souvient-il point du tourment de Tantale,
Qui, dans le triste état où le ciel l'a réduit,
Meurt de soif au milieu d'un fleuve qui le suit? etc.