<49>avec sa ceinture? du palladium? des boucliers tombés du ciel? enfin de Mucius Scévola, de Lucrèce, des Horaces, de Curtius, histoires non moins chimériques que les miracles dont je viens de parler? Monseigneur, il faut mettre tout cela dans la salle d'Odin, avec notre sainte ampoule, la chemise de la Vierge, le sacré prépuce, et les livres de nos moines.

J'apprends que V. A. R. vient de faire rendre justice à M. Wolff. Vous immortalisez votre nom; vous le rendez cher à tous les siècles en protégeant le philosophe éclairé contre le théologien absurde et intrigant. Continuez, grand prince, grand homme; abattez le monstre de la superstition et du fanatisme, ce véritable ennemi de la Divinité et de la raison. Soyez le roi des philosophes; les autres princes ne sont que les rois des hommes.

Je remercie tous les jours le ciel de ce que vous existez. Louis XIV, dont j'aurai l'honneur d'envoyer un jour à V. A. R. l'histoire manuscrite, a passé les dernières années de sa vie dans de misérables disputes au sujet d'une bulle ridiculea pour laquelle il s'intéressait sans savoir pourquoi, et il est mort tiraillé par des prêtres qui s'anathématisaient les uns les autres avec le zèle le plus insensé et le plus furieux. Voilà à quoi les princes sont exposés : l'ignorance, mère de la superstition, les rend victimes des faux dévots. La science que vous possédez vous met hors de leurs atteintes.

J'ai lu avec une grande attention la Métaphysique de M. Wolff. Grand prince, me permettez-vous de dire ce que j'en pense? Je crois que c'est vous qui avez daigné la traduire; j'y ai vu de petites corrections de votre main. Émilie vient de la lire avec moi.

C'est de votre Athènes nouvelle
Que ce trésor nous est venu;
Mais Versailles n'en a rien su;
Ce trésor n'est pas fait pour elle.

Cette Émilie, digne de Frédéric, joint ici son admiration et ses respects pour le seul prince qu'elle trouve digne de l'être; mais elle en est d'autant plus fâchée de n'avoir point le portrait de V. A. R. Il y a enfin quelque chose de prêt, selon vos ordres.


a La bulle Unigenitus, publiée au mois de septembre 1713.