<52>Je voudrais qu'il fût connu par sa bravoure, et non par sa beauté. Ce n'est pas par un vain appareil de pompe et de magnificence, par un éclat extérieur qu'un régiment doit briller. Les troupes avec lesquelles Alexandre assujettit la Grèce, et conquit la plus grande partie de l'Asie, étaient conditionnées bien différemment. Le fer faisait leur unique parure. Ils étaient, par une longue et pénible habitude, endurcis aux travaux; ils savaient endurer la faim, la soif et tous les maux qu'entraîne après soi l'âpreté d'une longue guerre. Une rigoureuse et rigide discipline les unissait intimement ensemble, les faisait tous concourir à un même but, et les rendait propres à exécuter avec promptitude et vigueur les desseins les plus vastes de leurs généraux.
Quant aux premiers temps de l'histoire romaine, je me suis vu engagé à soutenir sa vérité, et cela, par un motif qui vous surprendra. Pour vous l'expliquer, je suis obligé d'entrer dans un détail que je tâcherai d'abréger autant qu'il me sera possible.
Il y a quelques années qu'on trouva dans un manuscrit du Vatican l'histoire de Romulus et de Rémus, rapportée d'une manière toute différente de celle dont elle nous est connue. Ce manuscrit fait foi que Rémus s'échappa des poursuites de son frère, et que, pour se dérober à sa jalouse fureur, il se réfugia dans les provinces septentrionales de la Germanie, vers les rives de l'Elbe; qu'il y bâtit une ville située auprès d'un grand lac, à laquelle il donna son nom; et que, après sa mort, il fut inhumé dans une île qui, s'élevant du sein des eaux, forme une espèce de montagne au milieu du lac.
Deux moines sont venus ici, il y a quatre ans, de la part du pape, pour découvrir l'endroit que Rémus a fondé, selon la description que je viens d'en faire. Ils ont jugé que ce devait être Remusberg, ou comme qui dirait mont Rémus. Ces bons pères ont fait creuser dans l'île, de toutes parts, pour découvrir les cendres de Rémus. Soit qu'elles n'aient pas été conservées assez soigneusement, ou que le temps, qui détruit tout, les ait confondues avec la terre, ce qu'il y a de sûr, c'est qu'ils n'ont rien trouvé.
Une chose qui n'est pas plus avérée que celle-là, c'est que, il y a environ cent ans, en posant les fondements de ce château,