« <56>faudrait que toutes les parties les plus petites consistassent en d'autres parties; et comme on ne pourrait indiquer aucune raison d'où viendraient les êtres composés, aussi peu qu'on pourrait comprendre d'où existerait un nombre, s'il ne devait point contenir d'unités, il faut à la fin concevoir des êtres simples, par lesquels les êtres composés ont existé. »
Ensuite, art. LXXXI : « Les êtres simples n'ont ni figure, ni grandeur, et ne peuvent remplir d'espace. »
Ne pourrait-on pas répondre à ces assertions : 1o Un être composé est nécessairement divisible à l'infini, et cela est prouvé géométriquement. 2o S'il n'est pas physiquement divisible à l'infini, c'est que nos instruments sont trop grossiers; c'est que les formes et les générations des choses ne pourraient subsister, si les premiers principes dont les choses sont formées se divisaient, se décomposaient. Divisez, décomposez le premier germe des hommes, des plantes, il n'y aura plus ni hommes ni plantes. Il faut donc qu'il y ait des corps indivisés.
Mais il ne s'ensuit pas de là que ces premiers germes, ces premiers principes, soient indivisibles en effet, simples, sans étendue; car alors ils ne seraient pas corps, et il se trouverait que la matière ne serait pas composée de matière, que les corps ne seraient pas composés de corps; ce qui serait un peu étrange.
Que sera-ce donc que les premiers principes de la matière? Ce seront des corps divisibles sans doute, mais qui seront indivisés tant que la nature des choses subsistera.
Mais quelle sera la raison suffisante de l'existence des corps? Il n'y a certainement que deux façons de concevoir la chose : ou les corps sont tels par leur nature nécessairement, ou ils sont l'ouvrage de la volonté d'un libre et très-libre Être suprême. Il n'y a pas un troisième parti à prendre. Mais dans les deux opinions, on a des difficultés bien grandes à résoudre.
Quelle sera donc l'opinion que j'embrasserai? Celle où j'aurai, de compte fait, moins d'absurdités à dévorer. Or, je trouve beaucoup plus de contradictions, de difficultés, d'embarras dans le système de l'existence nécessaire de la matière; je me range donc à l'opinion de l'existence de l'Être suprême, comme la plus vraisemblable et la plus probable.