<83>Tu marqueras dans peu, de ta savante main,
Leurs vices, leurs vertus, et quel fut leur destin,
De ce héros vainqueur la brillante folie,
De ce législateur les travaux en Russie;
Et dans ce parallèle, effroi des conquérants,
Tu montreras aux rois le seul devoir des grands.
Pour moi, de ces climats habitant sédentaire,
Qui sans prévention rends justice à Voltaire,
J'admire, en tes écrits de diverse nature,
Tous les dons dont le ciel te combla sans mesure.
Que si la calomnie, avec ses noirs serpents,
Veut flétrir sur ton front tes lauriers verdoyants,
Si, du fond de Bruxelle, un Rufusa en furie
Sait lancer son venin au sein de ta patrie,
Que mon simple suffrage, enfant de l'équité.
Te tienne du moins lieu de la postérité!
Où prenez-vous, monsieur, tout le temps pour travailler? Ou vos moments valent le triple de ceux des autres, ou votre génie heureux et fécond surpasse celui de l'ordinaire des grands hommes. A peine avez-vous achevé d'éclaircir la Philosophie de Newton, que vous travaillez à enrichir le théâtre français d'une tragédie nouvelle; et cette pièce qui, selon les apparences, n'a pas encore quitté le chantier, est déjà suivie d'un nouvel ouvrage que vous projetez.
Vous voulez faire au Czar l'honneur d'écrire son histoire en philosophe. Non content d'avoir surpassé tous les auteurs qui vous ont précédé, par l'élégance, la beauté et l'utilité de vos ouvrages, vous voulez encore les surpasser par le nombre. Empressé à servir le genre humain, vous consacrez votre vie entière au bien public. La Providence vous avait réservé pour apprendre aux hommes à préférer la lyre d'Amphion, qui élevait les murs de Thèbes, à ces instruments belliqueux qui faisaient tomber ceux de Jéricho.
Le témoignage de quelques vérités découvertes et de quelques erreurs détruites est, à mon avis, le plus beau trophée que la postérité puisse ériger à la gloire d'un grand homme. Que n'avez-
a Nom sous lequel J.-B. Rousseau est désigné dans l'Épître de Voltaire sur la Calomnie.