<92>très-bien appris à danser; quelqu'un s'avisa de lui jeter des noix, et le singe, oubliant ses habits, la danse, et le rôle qu'il jouait, se jeta sur les noix. Un prêtre fait le personnage vertueux tant que son intérêt le comporte; mais, à la moindre occasion, la nature perce bientôt le nuage, et les crimes et les méchancetés qu'il couvrait des apparences de la vertu paraissent alors à découvert. Il est étonnant que la monarchie ecclésiastique soit établie sur des fondements si peu solides.
L'autorité des prêtres du paganisme venait de leurs oracles trompeurs, de leurs sacrifices ridicules et de leur impertinente mythologie. C'était un conte bien grave que celui de Daphné changée en laurier; des vierges enceintes par Jupiter, et qui accouchaient de dieux; un Jupiter dieu qui quitte le ciel, son tonnerre et sa foudre, pour venir sur la terre, sous la figure d'un taureau, enlever Europe; la résurrection d'Orphée qui triomphe des enfers; et enfin une infinité d'autres absurdités et de contes puérils, tout au plus capables d'amuser les enfants. Mais les hommes, charmés du merveilleux, ont de tout temps donné dans ces chimères, et révéré ceux qui en étaient les défenseurs. Ne serait-il pas permis de disputer la raison aux hommes, après leur avoir prouvé qu'ils sont si peu raisonnables?
Votre philosophie me charme. Sans doute, monsieur, tout doit tendre au bonheur des hommes. A quoi sert, en effet, de savoir combien de temps vit une puce, si les rayons du soleil entrent profondément dans la mer, de rechercher si les huîtres ont une âme, ou non?
La gaîté nous rend des dieux; l'austérité, des diables. Cette austérité est une espèce d'avarice qui prive les hommes d'un bonheur dont ils pourraient jouir.
Tantale dans un fleuve a soif et ne peut boire,aSans doute que la nature, se repentant d'avoir fait un être trop heureux dans ce monde, vous a assujetti à tant d'infirmités. Votre fièvre m'inquiète et m'alarme beaucoup. Je crains de perdre solum hominem, mon maître qui m'instruit et me guide;
a La défense du poëme héroïque (par Desmarets), Paris, 1674, in-4, p. 38, dialogue III.