<103>J'espère bientôt, Sire, voir votre galerie de Charlottenbourg, et jouir encore du bonheur de voir ce roi vainqueur, ce roi pacifique, ce roi citoyen, qui fait tant de choses de bonne heure. Je serai probablement, le mois prochain, à Bruxelles, et de là je me flatte que j'aurai l'honneur d'aller encore passer dix ou douze jours auprès de mon adorable monarque. Mais comment parler de Chotsits en vers? quel triste nom que ce Chotsits! n'êtes-vous pas honteux, Sire, d'avoir gagné la bataille de Chotsits, qui ne rime à rien, et qui écorche les oreilles? N'importe, je voudrais passer ma vie auprès du vainqueur de Chotsits.
Ne me reprochez point d'éviter ce vainqueur;
Je ne préfère point à sa cour glorieuse
Ces tendres sentiments et la langueur flatteuse
Que vous imputez à mon cœur.
Vous prenez pour faiblesse une amitié solide,
Vous m'appelez Renaud de mollesse abattu;
Grand roi, je ne suis point dans le palais d'Armide,
Mais dans celui de la Vertu.
Oui, Sire, mettant à part héroïsme, trône, victoires, tout ce qui impose le plus profond respect, je prends la liberté, vous le savez bien, de vous aimer de tout mon cœur; mais je serais indigne de vous aimer à ce point-là, et d'être aimé de V. M., si j'abandonnais, pour le plus grand homme de son siècle, un autre grand homme qui, à la vérité, porte des cornettes, mais dont le cœur est aussi mâle que le vôtre, et dont l'amitié courageuse et inébranlable m'a depuis dix ans imposé le devoir de vivre auprès d'elle.
J'irai sacrifier dans votre temple, et je reviendrai à ses autels.
Puisse-je ainsi, dans le cours de ma vie,
Passer du ciel de mon héros
A la planète d'Emilie!
Voilà mes tourbillons et ma philosophie,
Et le but de tous mes travaux.
Je vais commencer à envoyer à V. M. les papiers qu'elle demande, et elle aura le reste dès que je serai à Bruxelles.