<164>que l'on peut remarquer dans la conduite de ceux qui la gouvernent. J'ai rendu le précis des négociations les plus importantes, des faits de guerre les plus remarquables; et j'ai assaisonné ces récits de réflexions sur les causes des événements et sur les différents effets qu'une même chose produit quand elle arrive dans d'autres temps ou chez différentes nations. Les détails de guerre que vous dédaignez sont sans doute ces longs journaux qui contiennent l'ennuyeuse énumération de cent minuties; et vous avez raison sur ce sujet. Cependant il faut distinguer la matière de l'inhabileté de ceux qui la traitent pour la plupart du temps. Si on lisait une description de Paris où l'auteur s'amusât à donner l'exacte dimension de toutes les maisons de cette ville immense, et où il n'omît pas jusqu'au plan du plus vil brelan, on condamnerait ce livre et l'auteur au ridicule, mais on ne dirait pas pour cela que Paris est une ville ennuyeuse. Je suis du sentiment que de grands faits de guerre, écrits avec concision et vérité, qui développent les raisons qu'un chef d'armée a eues en se décidant, et qui exposent, pour ainsi dire, l'âme de ses opérations; je crois, je le répète, que de pareils mémoires doivent servir d'instruction à tous ceux qui font profession des armes. Ce sont des leçons qu'un anatomiste fait à des sculpteurs, qui leur apprennent par quelles contractions les muscles du corps humain se remuent. Tous les arts ont des exemples et des préceptes : pourquoi la guerre, qui défend la patrie et sauve les peuples d'une ruine prochaine, n'en aurait-elle pas?
Si vous continuez à écrire sur ces dernières guerres, ce sera à moi à vous céder ce champ de bataille; aussi bien mon ouvrage n'est-il pas fait pour le public.
J'ai pensé très-sérieusement trépasser, ayant eu une attaque d'apoplexie imparfaite; mon tempérament et mon âge m'ont rappelé à la vie.a Si j'étais descendu là-bas, j'aurais guetté Lucrèce
a La reine Elisabeth-Christine écrit au prince Ferdinand de Brunswic, au mois de février 1747 : « A présent, cher frère, je puis vous écrire avec un cœur plus tranquille que je n'ai fait la poste passée; car, Dieu soit loué! notre cher roi se porte mieux, et est tout à fait hors de danger. Il a été bien mal, et j'ai été en mille inquiétudes pour lui. Si j'avais osé, je serais allée moi-même à Potsdam pour le voir. Tout est passé à présent. » Voyez Elisabeth Christine, Königinn von Preussen. Gemahlinn Friedrichs des Grossen, eine Biographie von F. W. M. v. Hahnke. Berlin, 1848, p. 109 et 110. Voyez aussi Krankheitsgeschichte des Höchstseligen Königs von Preussen Friedrich's des Zweiten Majestät, von Christian Gottlieb Selle. Berlin, 1786, p. 7.