<169>D'en tâter pour quelque moment;
Mais de cette demeure sombre,
Où Proserpine avec Pluton
Gouverne le funeste nombre
D'habitants du noir Phlégéthon,
Je n'ai point vu revenir d'ombre.
J'ignore si dans ce canton
Les beaux esprits ont le bon ton,
Et le voyage est de nature
Qu'en s'embarquant avec Caron
La retraite n'est pas trop sûre.
Laissons donc à la fiction
La tranquille possession
Du royaume de l'autre monde,
Source où l'imagination,
En nouveautés toujours féconde,
Puise le système où se fonde
La populaire opinion.
Qu'un fanatique ridicule
Y place son plus doux espoir;
Qu'on prépare pour ce manoir
Un quidam que la fièvre brûle,
S'il faut lui dorer la pilule
Pour l'envoyer tout consolé,
Bien lesté, saintement huilé,
Passer en pompe triomphale
Au bord de la rive infernale :
Moi, qui ne suis point affublé
De vision théologale,
Je préfère à cette morale
La solide réalité
Des voluptés de cette vie.
Je laisse la félicité
Dont on prétend qu'elle est suivie
A quelque docteur entêté,
Dont l'âme au plaisir engourdie
Ne vit que dans l'éternité;
A cette engeance triste et folle
Des Malebranches de l'école,
Grands alambiqueurs d'arguments,
Dont la raison et le bon sens
Subtilement des bancs s'envole,
Attendant un Roland nouveau