<176>comme elle combat. Les maux continuels auxquels je suis condamné pour ma vie ne m'ont pas permis d'avancer beaucoup ma besogne. L'honneur d'entretenir V. M. quelques heures me fournirait plus de lumières que toutes les pancartes de nos ministres. Mais je suis d'une faiblesse inconcevable, et Berlin est loin des eaux chaudes. Je n'ai plus de ressources que dans l'espérance d'un petit voyage de V. M. aux bains de Charlemagne, votre devancier, ou à quelques autres bains où on étouffe de chaud. En ce cas, je m'empaqueterais pour avoir encore la consolation de voir Frédéric le Grand avant de mourir, et pour rassasier mes yeux et mes oreilles; mais on passe sa vie à souhaiter, et à faire le contraire de ce qu'on voudrait faire. On peut bien répondre de ses sentiments; mais il n'y a personne qui puisse dire ce qu'il fera demain. La destinée nous mène, et se moque de nous. Ma destinée, Sire, sera de vous être attaché jusqu'au dernier soupir de ma vie, et je lui demande de me permettre de pouvoir voir encore le premier des rois et des hommes. Je lui renouvelle mes très-profonds respects; madame du Châtelet y joint les siens.
228. DU MÊME.
Cirey, 26 janvier 1749.
Sire, je reçois enfin le paquet dont Votre Majesté m'a honoré, du 29 novembre. Un maudit courrier, qui s'était chargé de ce paquet enfermé très-mal à propos dans une boîte envoyée de Paris à madame du Châtelet, l'avait porté à Strasbourg, et de là dans la ville de Troyes, où j'ai été obligé de l'envoyer chercher.
Tous les amiraux d'Albion
Auraient eu le temps de nous rendre
Les ruines du Cap-Breton,
Et nous, le temps de les reprendre,
Pendant que cet aimable don
De mon Frédéric-Apollon
A Cirey se faisait attendre.