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233. DU MÊME.

Versailles, 19 avril 1749.

Sire, vous vous plaignez que je vous traite avec trop de douceur. Il est vrai que je ne dis pas de duretés à V. M.; mais, quand je loue et que je cite ce qui m'a paru bon dans les ouvrages qu'elle daigne me communiquer, n'est-ce pas vous dire la vérité, n'est-ce pas vous prier de la chercher et de la sentir vous-même? Ne pouvez-vous pas comparer ces beaux morceaux avec les autres? N'est-ce pas à celui qui les a faits d'en apercevoir la différence?

Par exemple, ce morceau, dans votre Épître à Son Altesse Royale madame la margrave de Baireuth, est excellent, et vous devez, en le relisant, vous rendre à vous-même ce témoignage :

« Il n'est rien de plus grand dans ton sort glorieux

(il faudrait pourtant un hémistiche moins faible)

Que ce vaste pouvoir de faire des heureux,
Ni rien de plus divin dans ton beau caractère
Que cette volonté toujours prête à les faire, »
Osait dire à César ce consul orateur
Qui de Ligarius se rendit protecteur;
Et c'est à tous les rois qu'il paraît encor dire :
« Pour faire des heureux vous occupez l'empire;
Astres de l'univers, votre éclat est pour vous,
Mais de vos doux rayons l'influence est pour nous. »a

Vous devez sentir que, dans tous ces vers, la rime, la césure, le nombre, ne coûtent rien au sens, que la netteté de la construction en augmente la force. Les deux derniers surtout sont admirables. Je ne crois pas que V. M. doive trouver mauvais que j'aie lu ce morceau singulier au roi Stanislas, qui au moins fait de la prose, et à la Reine sa fille. Elle en a été bien étonnée. Ce ne sont pas là des vers de roi, ce sont des vers du roi des poëtes. Voilà comment il en faut faire. Une douzaine de vers dans ce goût marquent plus de génie et font plus de réputation que cent


a Voyez t. X, p. 191.