<20>vous n'en usiez de façon que je n'aie pas lieu de me repentir de la confiance que je mets en vous. Je me repose entièrement sur mon cher éditeur.
J'écrirai à madame du Châtelet en conséquence de ce que vous désirez. A vous parler franchement touchant son voyage, c'est Voltaire, c'est vous, c'est mon ami que je désire de voir; et la divine Émilie, avec toute sa divinité, n'est que l'accessoire d'Apollon newtonianisé.
Je ne puis vous dire encore si je voyagerai ou si je ne voyagerai pas. Apprenez, mon cher Voltaire, que le roi de Prusse est une girouette de politique; il me faut l'impulsion de certains vents favorables pour voyager ou pour diriger mes voyages. Enfin je me confirme dans les sentiments qu'un roi est mille fois plus malheureux qu'un particulier. Je suis l'esclave de la fantaisie de tant d'autres puissances, que je ne peux jamais, touchant ma personne, ce que je veux. Arrive cependant ce qui pourra, je me flatte de vous voir. Puissiez-vous être uni à jamais à mon bercail!
Adieu, mon cher ami, esprit sublime, premier-né des êtres pensants. Aimez-moi toujours sincèrement, et soyez persuadé qu'on ne saurait vous aimer et vous estimer plus que je fais. Vale.
135. AU MÊME.
Berlin, 6 août 1740.
Mon cher ami, je me conforme entièrement à vos sentiments, et je vous fais arbitre. Vous en jugerez comme vous le trouverez à propos, et je suis tranquille, car mes intérêts sont en bonnes mains.
Vous aurez reçu de moi une lettre datée d'hier; voici la seconde que je vous écris de Berlin; je m'en rapporte au contenu de l'autre. S'il faut qu'Émilie accompagne Apollon, j'y consens; mais, si je puis vous voir seul, je préférerai le dernier. Je serais