<205>pour être rendu public. Si j'avais le crayon de Raphaël et le pinceau de Rubens, j'essayerais mes forces en peignant les grandes actions des hommes; mais avec les talents de Callota on ne fait que des charges et des caricatures.
J'ai vu ici le héros de la France,b ce Saxon, ce Turenne du siècle de Louis XV. Je me suis instruit par ses discours, non pas dans la langue française, mais dans l'art de la guerre. Ce maréchal pourrait être le professeur de tous les généraux de l'Europe. Il a vu nos spectacles; il m'a dit, à cette occasion, que vous aviez donné une nouvelle comédie au théâtre, que Nanine avait eu beaucoup de succès. J'ai été étonné d'apprendre qu'il paraissait de vos ouvrages dont j'ignorais jusqu'au nom. Autrefois je les voyais en manuscrit; à présent j'apprends par d'autres ce qu'on en dit, et je ne les reçois qu'après que les libraires en ont fait une seconde édition. Je vous sacrifie tous mes griefs, si vous venez ici. Sinon, craignez l'épigramme; le hasard peut m'en fournir une bonne. Un poëte, quelque mauvais qu'il soit, est un animal qu'il faut ménager.
Adieu; j'attends la chute des feuilles avec autant d'impatience qu'on attend au printemps le moment de les voir pousser.
239. DE VOLTAIRE.
Lunéville, 28 juillet 1749.
Sire, Votre Majesté m'a ramené à la poésie. Il n'y a pas moyen d'abandonner un art que vous cultivez. Permettez que j'envoie à V. M. une Épîtrea un peu longue que j'ai faite, avant mon départ de Paris, pour une de mes nièces, qui est aussi possédée du démon de la poésie. Vous y verrez, Sire, la vie de Paris peinte
a Voyez t. XVIII, p. 20.
b Voyez t. XVII, p. 344; t. X, p. 226 : et t. XI, p. 18.
a Épître à madame Denis. La vie de Paris et de Versailles. Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XIII, p. 180.