<228>d'un être tel que vous me fait encore envisager la brièveté de la vie avec plus de chagrin.
Je ne sais ce que c'est que ces vers dont V. M. me parle, sur la mort de madame du Châtelet. Je n'ai rien vu de ce qu'on a publié pour et contre, dans notre nation frivole. Je me borne à regretter dans la retraite un grand homme qui portait des jupes, à respecter sa mémoire, et à ne me point soucier du tout de ses faiblesses de femme.
Voici un petit recueil où vous trouverez bien des vers corrigés et arrondis. On n'a jamais fait avec les vers. Quel métier! Pourquoi faut-il qu'il soit le plus inutile de tous, et le plus difficile?
Je reprends cette lettre, Sire, que j'avais commencée il y a quelques jours. Je suis retombé malade. Me voilà à peu près guéri, et je reprends ma lettre. J'avertis V. M. qu'elle n'aura pas sitôt une certaine Rome sauvée. J'ai beaucoup retravaillé cet ouvrage, parce qu'il s'agit de grands hommes que vous connaissez comme si vous aviez vécu avec eux. Quand il s'agit de peindre Rome pour Frédéric le Grand, il y faut un peu d'attention. On va jouer une Électre de ma façon, sous le titre d'Oreste. Je ne sais pas si elle vaudra celle de Crébillon, qui ne vaut pas grand' chose; mais du moins Électre ne sera pas amoureuse, et Oreste ne sera pas galant. Il faut petit à petit défaire le Théâtre français des déclarations d'amour, et cesser de
Peindre Caton galant et Brutus dameret.a
J'ai actuellement un petit procès dont je fais V. M. juge. Madame la duchesse d'Aiguillon croit avoir trouvé un manuscrit du Testament politique du cardinal de Richelieu, et un manuscrit authentique. Je crois la chose impossible, parce que je crois impossible que le cardinal de Richelieu ait écrit ce fatras de puérilités, de contradictions et de faussetés dont ce testament fourmille. On a estimé cet ouvrage, parce qu'on l'a cru d'un grand homme. Voilà comme on juge. J'ose le croire d'un homme au-dessous du médiocre. Si par malheur il était du cardinal, à quoi tiennent les réputations? La vôtre, Sire, est en sûreté. Je souhaite à
a Boileau, Art poétique. chant III, v. 118.