<247>mille et mes amis. Voilà ma situation; malgré cela, il m'est impossible de faire actuellement une dépense extraordinaire : premièrement, parce qu'il m'en a beaucoup coûté pour établir mon petit ménage; en second lieu, parce que les affaires de madame du Châtelet, mêlées avec ma fortune, m'ont coûté encore davantage. Mettez, je vous en prie, selon votre coutume philosophique, la Majesté à part, et souffrez que je vous dise que je ne veux pas vous être à charge. Je ne peux ni avoir un bon carrosse de voyage, ni partir avec les secours nécessaires à un malade, ni pourvoir à mon ménage pendant mon absence, etc., à moins de quatre mille écus d'Allemagne. Si Mettra, un des marchands correspondants de Berlin, veut me les avancer, je lui ferai une obligation, et le rembourserai sur la partie de mon bien la plus claire qu'on liquide actuellement. Cela est peut-être ridicule à proposer; mais je peux assurer V. M. que cet arrangement ne me gênera point. Vous n'auriez, Sire, quà faire dire un mot à Berlin au correspondant de Mettra ou de quelque autre banquier résidant à Paris; cela serait fait à la réception de la lettre, et quatre jours après je partirais. Mon corps aurait beau souffrir, mon âme le ferait bien aller; et cette âme, qui est à vous, serait heureuse. Je vous ai parlé naïvement, et je supplie le philosophe de dire au monarque qu'il ne s'en fâche pas. En un mot, je suis prêt; et, si vous daignez m'aimer, je quitte tout, je pars, et je voudrais partir pour passer ma vie à vos pieds.
262. A VOLTAIRE.a
Potsdam, 24 mai 1750.
Pour une brillante beauté,
Qui tentait son désir lubrique,
a Cette lettre, tirée du Magasin encyclopédique, rédigé par Millin. Paris, 1799, t. I, p. 103 à 105, a été imprimée dans d'autres éditions, mais avec quelques légers changements dans les vers, et avec omission de la fin du premier alinéa en prose, depuis « Je payerai le marc d'esprit » jusqu'à « dans la boutique de Mettra. »