281. DU MÊME.
Mardi (1751).
Sire, si je ne suis pas court, pardonnez-moi.
Hier le fidèle Darget m'apprit avec douleur qu'on parlait dans Paris de votre poëme. Je viens de lui montrer les dix-huit lettres que je reçus hier. Elles sont de Cadix. Il n'y est pas question de vers.
Permettez que je montre à V. M. les six dernières lettres de ma nièce, l'unique personne avec qui je suis en correspondance. Elles sont toutes six numérotées de sa main. Elle me parle avec confiance de vous et de tout. Si je lui avais écrit un mot du poëme, elle en parlerait. Je ne lui ai pas même envoyé l'énigme que j'avais faite, et que je vous ai montrée, de peur qu'elle ne la devinât.
Ce ne sont pas les confidents de vos admirables amusements qui en parlent. Je réponds de Darget et de moi.
Daignez jeter les yeux sur les endroits soulignés de ces lettres, où il est question de V. M., de d'Argens, de Potsdam, de d'Ammon, etc. V. M. n'y perdra rien. Elle verra mon innocence, mes sentiments et mes desseins.
Il y a onze mois que je suis parti; je comptais en passer deux à vos pieds.
Je peux avoir en France un privilége d'imprimer le Siècle de Louis XIV. Je suis prêt à l'imprimer à Berlin, si cela vous fait plaisir, et je le demande à V. M.
Je ne vous flatte pas, que je sache, et vous savez, par mes hardiesses sur vos beaux ouvrages, si j'aime et si je dis la vérité. Je vous admire comme le plus grand homme de l'Europe, et j'ose vous chérir comme le plus aimable. Ne croyez pas que je sois ici pour une troisième raison.
Vous savez que je suis sensible; soyez sûr que je le suis avec enthousiasme à toutes vos bontés, et que votre personne fait le bonheur de ma vie.
Après vous, j'aime le travail et la retraite. Qui que ce soit ne se plaint de moi. Je demande à V. M. une grâce pour ne point