<29>J'envoie à mon adorable maître l'Antimachiavel tel qu'on commence à présent à l'imprimer; peut-être cette copie sera-t-elle un peu difficile à lire, mais le temps pressait; il a fallu en faire pour Londres, pour Paris et pour la Hollande, relire toutes ces copies et les corriger. Si V. M. veut faire transcrire celle-ci correctement, si elle a le temps de la revoir, si elle veut qu'on y change quelque chose, je ne suis ici que pour obéir à ses ordres. Cette affaire, Sire, qui vous est personnelle, me tient au cœur bien vivement. Continuez, homme charmant autant que grand prince, homme qui ressemblez bien peu aux autres hommes, et en rien aux autres rois.
L'héritier des Césars tient fort souvent chapelle;
Des trésors du Pérou l'indolent possesseur
A perdu, dit-on, la cervelle
Entre sa jeune femme et son vieux confesseur.
George a paru quitter les soins de sa grandeur
Pour une Yarmouth qu'il croit belle.
De Louis, je n'en dirai rien;
C'est mon maître, je le révère;
Il faut le louer et me taire;
Mais plût à Dieu, grand roi, que vous fussiez le mien!
M. de Fénelon vint avant-hier chez moi pour me questionner sur votre personne; je lui répondis que vous aimez la France, et ne la craignez point; que vous aimez la paix, et que vous êtes plus capable que personne de faire la guerre; que vous travaillez à faire fleurir les arts à l'ombre des lois; que vous faites tout par vous-même, et que vous écoutez un bon conseil. Il parla ensuite de l'évêque de Liége, et sembla l'excuser un peu; mais l'évêque n'en a pas moins tort, et il en a deux mille démonstrations à Maeseyk.a Je suis, etc.
a Le Roi avait fait entrer deux mille hommes dans Maeseyk, pour soutenir ses droits sur la baronnie de Herstal. Voyez t. II, p. 59, et t. XVII, p. 73.