148. A VOLTAIRE.
Remusberg, 12 octobre 1740.
Enfin, je puis me flatter de vous voir ici. Je ne ferai point comme les habitants de la Thrace, qui, lorsqu'ils donnaient des repas aux dieux, avaient soin de manger la moelle auparavant. Je recevrai Apollon comme il mérite d'être reçu; c'est Apollon non seulement dieu de la médecine, mais de la philosophie, de l'histoire, enfin de tous les arts.a
Venez, que votre vue écarte
Mes maux, l'ignorance et l'erreur;
Vous le pouvez en tout honneur,
Car Emilie est sans frayeur,
Et j'ai toujours la fièvre quarte.
Ici, loin du faste des rois,
Loin du tumulte de la ville,
A l'abri des paisibles lois,
Les arts trouvent un doux asile.
S'aimer, se plaire, et vivre heureux,
Est tout l'objet de notre étude;
Et, sans importuner les dieux
Par des souhaits ambitieux,
Nous nous faisons une habitude
D'être satisfaits et joyeux.
Grâces vous soient rendues du bel écrit que vous venez de faire en ma faveur! L'amitié n'a point de bornes chez vous; aussi ma reconnaissance n'en a-t-elle point non plus.
Vos politiques hollandais,
Et votre ambassadeur français,
En fainéants experts critiquent et réforment,
D'un fauteuil à duvet sur nous lancent leurs traits,
Et sur le monde entier tranquillement s'endorment.
a Cet alinéa se trouve déjà dans la lettre du 7 octobre (Voyez ci-dessus, p. 38); mais nous n'avons pas cru devoir corriger ce double emploi.