<50>Je lui dis d'une faible voix :
O toi qui gouvernes les rois,
Excepté le héros que j'aime!
O toi qui n'auras sous tes lois
Ni son cœur, ni son diadème!
Je vais trouver mon seul appui.
Qu'enfin ta faveur me seconde;
Souffre qu'en paix j'aille vers lui;
Va troubler le reste du monde.
La Fortune, Sire, a été trop jalouse de mon accès auprès de V. M.; elle est bien loin d'exaucer ma prière; elle vient de briser sur le chemin d'Herford ce carrosse qui me menait dans la terre promise. Du Molard l'Oriental, que j'amène dans les États de V. M. suivant vos ordres, prétend, Sire, que, dans l'Arabie, jamais pèlerin de la Mecque n'eut une plus triste aventure, et que les Juifs ne furent pas plus à plaindre dans le désert.
Un domestique va d'un côté demander du secours à des Westphaliens qui croient qu'on leur demande à boire; un autre court sans savoir où. Du Molard, qui se promet bien d'écrire notre voyage en arabe et en syriaque, est cependant de ressource comme s'il n'était pas savant. Il va à la découverte, moitié à pied, moitié en charrette, et moi, je monte en culotte de velours, en bas de soie et en mules, sur un cheval rétif.
Hélas! grand roi, qu'eussiez-vous cru,
En voyant ma faible figure
Chevauchant tristement à cru
Un coursier de mon encolure?
C'est ainsi qu'on vit autrefois
Ce héros vanté par Cervante,
Son écuyer et Rossinante,
Egarés au milieu des bois.
Ils ont fait de brillants exploits,
Mais j'aime mieux ma destinée;
Ils ne servaient que Dulcinée,
Et je sers le meilleur des rois.
En arrivant à Herford dans cet équipage, la sentinelle m'a demandé mon nom; j'ai répondu, comme de raison, que je m'ap-