<94>esprit pénétré de la grandeur du vôtre, et d'un cœur qui s'intéresse à votre bonheur autant que vous-même.
Recevez, Sire, avec votre bonté ordinaire, mes très-profonds respects.
180. DU MÊME.
Paris, 26 mai 1742.
Salomon du Nord en est donc l'Alexandre,
Et l'amour de la terre en est aussi l'effroi!
L'Autrichien vaincu, fuyant devant mon roi,
Au monde à jamais doit apprendre
Qu'il faut que les guerriers prennent de vous la loi,
Comme on vit les savants la prendre.
J'aime peu les héros, ils font trop de fracas;
Je hais ces conquérants, fiers ennemis d'eux-même,
Qui dans les horreurs des combats
Ont placé le bonheur suprême,
Cherchant partout la mort, et la faisant souffrir
A cent mille hommes, leurs semblables.
Plus leur gloire a d'éclat, plus ils sont haïssables.
O ciel! que je vous dois haïr!
Je vous aime pourtant, malgré tout ce carnage
Dont vous avez souillé les champs de nos Germains,
Malgré tous ces guerriers que vos vaillantes mains
Font passer au sombre rivage.
Vous êtes un héros, mais vous êtes un sage;
Votre raison maudit les exploits inhumains
Où vous força votre courage;
Au milieu des canons, sur des morts entassés,
Affrontant le trépas, et fixant la victoire,
Du sang des malheureux cimentant votre gloire,
Je vous pardonne tout, si vous en gémissez.
Je songe à l'humanité, Sire, avant de songer à vous-même; mais après avoir, en abbé de Saint-Pierre, pleuré sur le genre humain dont vous devenez la terreur, je me livre à toute la joie que me donne votre gloire. Cette gloire sera complète, si V. M.