<11>traités; que vos lumières et votre esprit vous ménageraient cette ressource; qu'il vous resterait toujours assez d'États pour tenir un rang très-considérable dans l'Europe; que le Grand Électeur, votre bisaïeul, n'en a pas été moins respecté pour avoir cédé quelques-unes de ses conquêtes. Permettez-moi, encore une fois, de penser ainsi, en vous soumettant mes pensées. Les Caton et les Othon, dont V. M. trouve la mort belle, n'avaient guère autre chose à faire qu'à servir ou qu'à mourir; encore Othon n'était-il pas sûr qu'on l'eût laissé vivre; il prévint, par une mort volontaire, celle qu'on lui eût fait souffrir. Nos mœurs et votre situation sont bien loin d'exiger un tel parti; en un mot, votre vie est très-nécessaire. Vous sentez combien elle est chère à une nombreuse famille, et à tous ceux qui ont l'honneur de vous approcher. Vous savez que les affaires de l'Europe ne sont jamais longtemps dans la même assiette, et que c'est un devoir pour un homme tel que vous de se réserver aux événements. J'ose vous dire bien plus; croyez-moi, si votre courage vous portait à cette extrémité héroïque, elle ne serait pas approuvée; vos partisans la condamneraient, et vos ennemis en triompheraient. Songez encore aux outrages que la nation fanatique des bigots ferait à votre mémoire. Voilà tout le prix que votre nom recueillerait d'une mort volontaire; et, en vérité, il ne faudrait pas donner à ces lâches ennemis du genre humain le plaisir d'insulter à votre nom si respectable.
Ne vous offensez pas de la liberté avec laquelle vous parle un vieillard qui vous a toujours révéré et aimé, et qui croit, d'après une longue expérience, qu'on peut tirer de très-grands avantages du malheur. Mais heureusement nous sommes très-loin de vous voir réduit à des extrémités si funestes, et j'attends tout de votre courage et de votre esprit, hors le parti malheureux que ce même courage peut me faire craindre. Ce sera une consolation pour moi, en quittant la vie, de laisser sur la terre un roi philosophe.