<124>blique voisine. C'est les Anglais qu'il faut vaincre, c'est contre eux qu'il y a de la réputation à gagner; car ces gens sont fiers, et savent se défendre. Je ne sais si on réussira en France à établir leur banque. L'idée en est bonne; mais moi qui vois ces choses de loin, et qui peux me tromper, je ne crois pas qu'on ait bien pris son temps pour l'établir. Il faut avoir du crédit pour en former une; et, selon les bruits populaires, le gouvernement en manque.
Je vous fais mes remercîments de la façon dont vous avez défendu mes barbarismes et mes solécismes envers l'abbé d'Olivet.a Vous, et les grands orateurs, rendez toutes les causes bonnes. Si vous vous le proposiez, vous me donneriez assez d'amour-propre pour me croire infaillible comme un des Quarante, tant l'art de persuader est un don précieux!
Je voudrais l'avoir pour persuader aux Polonais la tolérance. Je voudrais que les dissidents fussent heureux, mais sans enthousiasme, et de façon que la république fût contente. Je ne sais point ce que pense le roi de Pologne, mais je crois que tout cela pourra s'ajuster doucement, en modérant les prétentions des uns, et en portant les autres à se relâcher sur quelque chose.
Le saint-père a envoyé un bref dans ce pays-là; il n'y est question que de la gloire du martyre, de l'assistance miraculeuse de Dieu, du fer, du feu, de l'obstination, du zèle, etc., etc.b Le Saint-Esprit l'inspire bien mal, et lui a fait faire depuis son pontificat toutes choses à contre-sens. A quoi bon donc être inspiré?
Il y a ici une comtesse polonaise; elle se nomme Skorzewska;c c'est une espèce de phénomène. Cette femme a un amour décidé pour les lettres; elle a appris le latin, le grec, le français, l'italien et l'anglais; elle a lu tous les auteurs classiques de chaque langue, et les possède bien. L'âme d'un bénédictin réside dans son corps; avec cela, elle a beaucoup d'esprit, et n'a contre elle que la difficulté de s'exprimer en français, langue dont l'usage ne
a Voyez la lettre de Voltaire à l'abbé d'Olivet, du 5 janvier 1767, et celle de Frédéric à d'Alembert, du 10 avril suivant.
b Le saint-père a envoyé un bref dans ce pays-là, qui ne parle que de la gloire du martyre, de l'assistance miraculeuse de Dieu, de fer, de feu, de défense de la foi, de zèle, etc. (Variante des Œuvres posthumes, t. IX, p. 380.)
c Voyez t. XX, p. III, IV, et 17-23.