<130>y a le plus de couvents de moines sont ceux où le peuple est le plus aveuglément livré à la superstition; il n'est pas douteux que, si l'on parvient à détruire ces asiles du fanatisme, le peuple ne devienne un peu indifférent et tiède sur ces objets, qui sont actuellement ceux de sa vénération. Il s'agirait donc de détruire les cloîtres, au moins de commencer à diminuer leur nombre. Ce moment est venu, parce que le gouvernement français et celui d'Autriche sont endettés, qu'ils ont épuisé les ressources de l'industrie pour acquitter les dettes, sans y parvenir. L'appât de riches abbayes et de couvents bien rentés est tentant. En leur représentant le mal que les cénobites font à la population de leurs États, ainsi que l'abus du grand nombre de cuculatis qui remplissent leurs provinces, en même temps la facilité de payer en partie leurs dettes en y appliquant les trésors de ces communautés qui n'ont point de successeurs, je crois qu'on les déterminerait à commencer cette réforme; et il est à présumer que, après avoir joui de la sécularisation de quelques bénéfices, leur avidité engloutira le reste.
Tout gouvernement qui se déterminera à cette opération sera ami des philosophes, et partisan de tous les livres qui attaqueront les superstitions populaires et le faux zèle des hypocrites qui voudraient s'y opposer.
Voilà un petit projet que je soumets à l'examen du Patriarche de Ferney. C'est à lui, comme au père des fidèles, de le rectifier et de l'exécuter.
Le patriarche m'objectera peut-être ce que l'on fera des évêques; je lui réponds qu'il n'est pas temps d'y toucher encore; qu'il faut commencer par détruire ceux qui soufflent l'embrasement du fanatisme au cœur du peuple. Dès que le peuple sera refroidi, les évêques deviendront de petits garçons dont les souverains disposeront, par la suite des temps, comme ils voudront.
La puissance des ecclésiastiques n'est que d'opinion; elle se fonde sur la crédulité des peuples. Éclairez ces derniers, l'enchantement cesse.
Après bien des peines, j'ai déterré le malheureux compagnon de La Barre; il se trouve porte-enseigne à Wésel, et j'ai écrit pour lui.