<351>C'est vous qui, dessillant les yeux de l'univers,
Remplissez dignement cette vaste carrière,
Soit en prose, ou soit en vers.
Vous avez dans la nuit fait briller la lumière,
Délivré les mortels de leur vaine terreur;
La Raison dans vos mains a confié son foudre;
Vous avez réduit en poudre
Et le Fanatisme, et l'Erreur.
C'est à Bayle, votre précurseur, et à vous, sans doute, que la gloire est due de cette révolution qui se fait dans les esprits. Mais disons la vérité : elle n'est pas complète, les dévots ont leur parti, et jamais on ne l'achèvera que par une force majeure; c'est du gouvernement que doit partir la sentence qui écrasera l'infâme. Des ministres éclairés peuvent y contribuer beaucoup; mais il faut que la volonté du souverain s'y joigne. Sans doute cela se fera avec le temps; mais ni vous ni moi ne serons spectateurs de ce moment tant désiré.
J'attends ici d'Étallonde. Vous aurez à présent reçu mes réponses, et je le crois en chemin. Je ferai pour lui, ou pour vous, ce qui dépendra de moi. C'est un martyr de la superstition, qui mérite d'être sanctifié par la philosophie.
Ne me tirez point de l'erreur où je suis. J'en crois Le Kain. Je veux, j'espère, je désire que nous vous conservions le plus longtemps possible. Vous ornez trop votre siècle pour que je puisse être indifférent sur votre sujet. Vivez, et n'oubliez pas le solitaire de Sans-Souci. Vale.
J'ai honte de vous envoyer des vers; c'est jeter une goutte d'eau bourbeuse dans une claire fontaine. Mais j'effacerai mes solécismes en faisant du bien à divus Etallundus, martyr de la philosophie.