<410>d'autant plus affirmativement, que personne ne peut être arrêté sans ma signature, ni personne justifié, à moins que je n'aie ratifié la sentence. Parmi ces délinquants, la plupart sont des filles qui ont tué leurs enfants; peu de meurtres, encore moins de vols de grands chemins. Mais parmi ces créatures qui en usent si cruellement envers leur postérité, ce ne sont que celles dont on a pu avérer leur meurtre qui sont exécutées. J'ai fait ce que j'ai pu pour empêcher ces malheureuses de se défaire de leur fruit. Les maîtres sont obligés de dénoncer leurs servantes dès qu'elles sont enceintes; autrefois on avait assujetti ces pauvres filles à faire dans les églises des pénitences publiques, je les en ai dispensées;a il y a des maisons, dans chaque province, où elles peuvent accoucher, et où l'on se charge d'élever leurs enfants. Nonobstant toutes ces facilités, je n'ai pas encore pu parvenir à déraciner de leur esprit le préjugé dénaturé qui les porte à se défaire de leurs enfants. Je suis même maintenant occupé de l'idée d'abolir la honte jadis attachée à ceux qui épousaient des créatures qui étaient mères sans être mariées; je ne sais si peut-être cela ne me réussira pas. Pour la question, nous l'avons entièrement abolie,b et il y a plus de trente ans qu'on n'en fait plus usage; mais dans des États républicains, il y aura peut-être quelque exception à faire pour les cas qui sont des crimes de haute trahison, comme, par exemple, s'il se trouvait à Genève des citoyens assez pervers pour former un complot avec le roi de Sardaigne, pour lui livrer leur patrie. Supposé qu'on découvrît un des coupables, et qu'il fallût s'éclaircir nécessairement de ses complices pour trancher la racine de la conjuration, dans ce cas je crois que le bien public voudrait qu'on donnât la question au délinquant. Dans les matières civiles, il faut suiv re la maxime qui veut qu'on sauve un coupable plutôt que de punir un innocent.
a Le 20 juin 1746. Voyez t. XX, p. 289.
b Le 3 juin 1740. Voyez t. IX, p. 32, et t. XX, p. 289.