<415>que l'ordre subsistât pour fournir des professeurs à mesure qu'il venait à en manquer; et la fondation pouvait fournir la dépense à ses frais. Elle n'aurait pas été suffisante pour payer des professeurs laïques. De plus, c'était à l'université des jésuites que se formaient les théologiens destinés à remplir les cures. Si l'ordre avait été supprimé, l'université ne subsisterait plus, et l'on aurait été nécessité d'envoyer les Silésiens étudier la théologie en Bohême; ce qui aurait été contraire aux principes fondamentaux du gouvernement.
Toutes ces raisons valables m'ont fait le paladin de cet ordre; et j'ai si bien combattu pour lui, que je l'ai soutenu, à quelques modifications près, tel qu'il se trouve à présent, sans général, sans troisième vœu, et décoré d'un nouvel uniforme que le pape lui a conféré. Le malheur de cet ordre a influé sur un général qui en avait été dans sa jeunesse : ce M. de Saint-Germain avait de grands et de beaux desseins, très-avantageux à vos Velches; mais tout le monde l'a traversé, parce que les réformes qu'il se proposait de faire auraient obligé des freluquets à une exactitude qui leur répugnait. Il lui fallait de l'argent pour supprimer la maison du Roi; on le lui a refusé. Voilà donc quarante mille hommes, dont la France pouvait augmenter ses forces sans payer un sou de plus, perdus pour vos Velches, afin de conserver dix mille fainéants bien chamarrés et bien galonnés. Et vous voulez que je n'estime pas un homme qui pense si juste? Le mépris ne peut tomber que sur les mauvais citoyens qui l'ont contrecarré.
Souvenez-vous, je vous prie, du père Tournemine votre nourrice (vous avez sucé chez lui le doux lait des Muses), et réconciliez-vous avec un ordre qui a porté, et qui, le siècle passé, a fourni à la France des hommes du plus grand mérite. Je sais très-bien qu'ils ont cabale et se sont mêlés d'affaires; mais c'est la faute du gouvernement. Pourquoi l'a-t-il souffert? Je ne m'en prends pas au père Le Tellier, mais à Louis XIV.
Mais tout cela m'embarrasse moins que le Patriarche de Ferney; il faut qu'il vive, qu'il soit heureux, et qu'il n'oublie pas les absents. Ce sont les vœux du solitaire de Sans-Souci. Vale.