<111>autant que la vôtre. Sans doute que les princes les plus heureux, les plus chers à l'humanité, sont ceux qui se facilitent mutuellement ces soins si respectables, et qui peuvent faire rejaillir sur leurs voisins une portion du bonheur qu'ils assurent à leurs sujets. Cette réflexion, Sire, excite quelques vœux dans mon cœur, et j'en espérerai toujours l'accomplissement, tant que vous accorderez un retour d'amitié aux sentiments d'admiration et de haute considération avec lesquels je suis, etc.
63. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
16 avril 1766.
Madame ma sœur,
Si je suis assez téméraire de hasarder quelquefois mes sentiments devant V. A. R., c'est cependant toujours, madame, en les soumettant à vos lumières. Il est sûr, madame, que l'humanité et la bienfaisance ne doivent pas se borner à un peuple, et que, en citoyens du monde, nous devons regarder toutes les nations comme nos frères. Rien de plus beau ni de plus heureux pour le genre humain, si la philosophie et le patriotisme pouvaient s'accorder sur ce point. Mais que de difficultés innombrables ne naissent pas d'intérêts des différents peuples opposés les uns aux autres, et qui ne sont pas susceptibles de conciliation! Que faire, madame, dans ces cas? Quel moyen de sacrifier les intérêts de son pupille (quelque malotru qu'il soit) aux avantages des autres? Comment faire le bien général de ce conflit de litige de droits, de prétentions, de positions,a que chacun réclame? Je vous avoue, madame, que c'est de l'algèbre pour moi, et que la chose est d'autant plus difficile, que les souverains ne reconnaissent aucun tribunal d'où un juge équitable et désintéressé pût leur prononcer leur sentence; de sorte que, prévenus de chaque côté pour
a De possessions. (Variante du manuscrit des Archives.)