<146>ner que j'eusse causé de la jalousie à un héros par le don de mon portrait? Cependant le désir que V. M. veut bien témoigner de l'avoir m'est trop glorieux pour que je n'en sois pas infiniment flattée. Je vais travailler à cet ouvrage avec un empressement digne de sa destination. Je me flatte que, le rencontrant quelquefois sous vos yeux, il vous rappellera ces sentiments distingués et sincères avec lesquels je serai toute ma vie, etc.
92. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.
Berlin, 20 décembre 1767.
Madame ma sœur,
Votre Altesse Royale voudra que je commence ma lettre par les sincères remercîments de la faveur qu'elle m'a si noblement accordée. Votre portrait sera chez moi considéré comme celui d'un très-grand homme; j'aime à la passion le génie, et je vous avoue, madame, que j'en suis l'enthousiaste. Vous vous plaisez, madame, de me pousser sans cesse au point de faire mon apologie. Vous le voulez, je me justifierai donc encore. Mais, madame, mes raisons sont si victorieuses, que je ne crains pas de réduire votre modestie au silence. V. A. R. m'oblige de défendre une thèse que je veux soutenir en forme.
Vous conviendrez, madame, que ceux qui aiment les sciences aiment ceux qui les cultivent avec succès; vous conviendrez encore que la vertu est aimable par elle-même, que le mérite l'estime, et que le vice ne peut lui refuser son suffrage. Si donc on trouve réunis les arts et les vertus en une personne, est-il possible de s'empêcher de l'aimer? Cet amour n'est pas de cette espèce dont la pudeur s'effarouche, ce n'est pas cette flamme qui porte l'incendie dans le cœur des amants, mais un penchant irrésistible, accompagné d'admiration. Voilà, madame, le sentiment que vous réveillez dans mon âme, et qu'aucune puissance n'y