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121. A L'ÉLECTRICE MARIE-ANTONIE DE SAXE.

18 décembre 1769.



Madame ma sœur,

J'ai regardé ce jour-ci comme bien fortuné, puisqu'il me procure deux lettres de la part de V. A. R., l'une que le comte de Bünau m'a rendue, et l'autre le jeune baron. Pour la première lettre, V. A. R., à ce que j'espère, aura été persuadée d'avance qu'une protection comme la sienne était si puissante sur mon esprit, qu'elle me déterminerait infailliblement. Je ferai pour ce jeune homme, qui marque du talent et du mérite, tout ce qui dépendra de moi, madame, d'autant plus que je le regarde comme me venant d'une princesse pour laquelle j'ai la plus haute considération. Quant au jeune baron, j'espère, madame, qu'il n'aura point fait d'étourderie, et que, au cas de quelque fredaine, vous voudrez bien avoir quelque indulgence pour sa jeunesse; il n'a que quatre-vingts ans, et il faut espérer qu'il deviendra plus sage lorsque l'âge aura donné plus de maturité à son esprit. Il est revenu ici si plein de la grande princesse de laquelle il a eu le bonheur d'approcher, qu'il n'a parlé que d'elle. Pour moi, non moins enthousiaste de ses rares talents, je me suis mêlé d'en faire des éloges qui n'ont pas fini faute de matière, mais par la lassitude et l'accablement du voyage, dont le baron se ressentait encore. Ce qui m'a fait un sensible plaisir de son récit, c'est qu'il m'a assuré, madame, que vous me conserviez quelque part dans vos bontés, et que je n'avais pas à craindre d'être sitôt effacé de votre gracieux souvenir. Il m'a délivré la musique dont il était chargé, dont V. A. R. voudra bien que je lui fasse mes plus sincères remercîments. Le baron m'a montré de même le bel ouvrage de V. A. R., qui a été universellement admiré; il vous est donné, madame, d'exceller en tout, depuis l'art d'Arachné jusqu'au sublime art d'Homère. L'ouvrage que V. A. R. a la bonté de me destiner serait plutôt digne d'un temple que de la maison d'un mortel; toutefois y sera-t-il conservé avec